6 mai 2009

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LES ROIS EN EXIL
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Or, tandis que Béhanzin,
Ce pauvre roi nègre
Tient de l’État - son cousin -
Un budget si maigre

Que c’est à peine s’il a
Dans sa dérisoire
Et Blidérenne villa
De quoi rire et boire ;

Au point que son présomptif
Se patafiole
Pour n’avoir à son actif
La moindre Espagnole ;

Tandis que Ranavalo,
Reine - c’est bien pire -
Est réduite au pain, à l’eau,
Ou, pour ainsi dire,

Qu’elle ne peut même pas
S’acheter des chiffes
Pour donner à ses appas
Un rien de high-life.
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Enfin, que des rois déchus,
De par nos victoires,
Sont à tout jamais fichus ;
Que leurs territoires

Subissent notre action
Sous le bon prétexte
De civilisation,
Comme dit le texte !

On accable de vivats,
On couvre de roses
Ce bienheureux Sisovath,
Et d’apothéoses !

On te lui fout des festins
- Si tu l’interroges -
A troubler ses intestins
Encore au Cambodge ;

Des spectacles de gala,
Tels que jamais même
En France on en régala
Edouard septième.


Il n’y en a que pour lui ;
Pour lui Marianne
Sent son cœur en son étui
Sonner la Diane.

Pourquoi l’un sur le pavois ?
Pourquoi ces blessures
Aux autres ? Pourquoi deux poids ?
Pourquoi deux mesures ?

En quoi Sisovath t’est-il
Donc plus sympathique
Que ses copains en exil ?
- Dis, la République -

Pour le dorloter ainsi
En première classe ?…
Il me semble bien que si
J’étais à sa place,

Je me irais : « Ouvrons l’œil ! »
J’aurais une transe,
Trouvant en ce trop d’accueil
Quelque peu d’outrance.


« Comment ces saligauds-là
M’ont pris mon royaume,
Me dirais-je, et me voilà
Chez eux, roi fantôme

« Traité par tous en vrai roi !
Je ne comprends mie.
Et, c’est à mourir d’effroi,
France, mon amie ! »


RAOUL PONCHON
le Courrier Français

07 déc. 1906
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1 commentaire:

Anonyme a dit…

un point de vue tout à fait louable de l'époque, concernant ces bougres qui ont été choisis par ces beaux républicains seuls détenteurs de la civilisation !
bravo pour votre blog