7 mai 2009

.
.
.
LA MERELLI ET L’AUTRE
.1906 : Dénouement judiciaire d'un véritable roman qui fit la une de l'époque. François Gallais, employé de banque, comptable détourne des fonds importants vers les comptes de son pseudo, le baron Jean de Graval... grande vie en compagnie de sa compagne et complice Mle Mérelli... puis escapade vers l'Argentine dans l'espoir du coup parfait qui se termine mal. Ponchon prend la défense des accusés :
.
.
Elle aimait bien son petit homme,
Sans savoir, ni vouloir savoir
D’où venait cette forte somme
Qu’elle voyait chez lui pleuvoir,

Et, je le vous demande, en outre,
Messieurs les juges et jurés,
Qu’est-ce que ça pouvait lui foutre,
L’eût-elle su , vous m’avouerez ?

Donc, vous ne lui fûtes pas rudes,
Car vous avez la belle enfant
Rendue à ses chères études,
Après un verdict triomphant.

Mais, pour le Graval, en revanche,
A qui sept ans furent servis
De boule de son sur la planche,
Pour Graval - dis-je - m’est avis,


Vous fûtes sévères, encore
Qu’il n’eût pas le geste élégant.
Je ne veux pas qu’on le décore,
Mais quoi ! Ce n’est pas un brigand.

.

Rassurez-vous, Messieurs les juges
Il n’entre pas dans mes dessins
De magnifier ses grabuges,
Et de sublimer ses larcins.


Un vol est toujours un vol, certe
Mais je considère d’abord
Celui dont il cause la perte.
Fort souvent les volés ont tort.


C’est ici le cas, dans l’espèce.
Ils ne sont pas intéressants
Ceux qui, dans le sein d’une caisse,
Entassent des mille et des cents.


Les bank-notes et les liasses
Ne sont pas faites notamment
Pour séjourner dans les paillasses ;
Ce serait trop bête, vraiment.


Il n’est rien de plus ridicule
Que l’or qui ne circule pas.
Et mon horreur est minuscule
Pour tous les Gravals d’ici-bas.



J’ajoute, et d’une foi sincère,
Quitte à me faire inventorier,
Qu’un voleur est plus nécessaire
Que tel ou tel autre banquier.

Il faut, n’en fût-il plus au monde,
De temps en temps quelque baron
Pour secouer cet or immonde.
Dieu seul est le grand patron.

J’aime que de petites femmes
Se rencontrent, et juste à point,
Pour pétrir ces sommes infâmes,
Et je ne m’en dédirai point.


Merelli m’est donc sympathique,
Et Graval ne me l’est pas moins.
Il n’eut qu’un tort, dans la pratique,
C’est de prendre trop de témoins.



A ce jeu plus qu’aléatoire,
Il ne faut pas être vaincu.
Il le fut. Donc, c’est une poire,
Ou, pour tout dire, c’est un cul.


RAOUL PONCHON
le Courrier Français

o8 mars 1906
.
article du Petit Parisien du 21 août 1905

Aucun commentaire: