9 mai 2009

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POUR CAUSE D’ÉDILITÉ PUBLIQUE
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Marchez toujours, braves édiles,
Et ne vous attendrissez pas
A ces larmes de crocodiles,
Sortez vos mètres et vos compas.

Allez-vous perdre vos séances
Si fructueuses pour Paris
A écouter les doléances
Des Baucharts et des Champoudrys !

Que vous importera les idées
De tel minable gazetier ?
Les vaches seraient mieux gardées
Si chacun faisait son métier.

Vous êtes en terre conquise ;
Paris est vôtre . Vous pouvez
Le sabouler à votre guise
Et le sillonner de tramways.

Des tramways aux Champs-Élysées,
O conseillers municipaux !
Des omnibus sur nos croisées
Et des gares dans nos chapeaux !


De l’utile, quoi ! Le plastique
N’intéresse plus que Mirbeau.
Est-ce que notre République
Se soucia jamais du Beau ?
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Dans Paris tel que je le rêve
Il n’est un pouce de terrain
Où quelque immeuble ne s’élève,
Où ne passe un tram ou un train.

Ah ! sous ce rapport-là, Lutèce
Est en retard sur Chicago ;
Consultez plutôt la princesse,
Voyez ce qu’en pense Rigo.


Hé ! Que tardez-nous davantage
A remplacer nos monuments
Par des maisons de vingt étages !
A quoi bon les vains ornements !

Vous n’avez pas de temps à perdre,
Si vous voulez qu’en dix neuf cent
Paris soit à la hauteur… Merdre !
Il ne vous reste que trois ans.


Vite, mettez les maçons doubles,
Comme les charpentiers aussi ;
Croyez que ça n’est pas les roubles
Qui nous manqueront, Dieu merci !

Plus de jardins, d’arbres, de squares !
Ça tient trop de place, vraiment,
Et qu’y voit-on ? sinon des poires
Taper sur le gouvernement !

Que si le vert désir vous gagne
De voir des arbres, du ciel bleu,
Foutons le camp à la campagne !
Il n’en manque pas, nom de dieu !


Rasez ce préjugé gothique,
Notre-Dame, et flanquez-y moi
Une bonne école laïque,
C’est d’un bien plus moderne emploi.


Rasez-moi ce Louvre en ribote
Qui tient la place d’un faubourg :
Nous avons le legs Caillebotte
Qui nous suffit au Luxembourg.



Des casernes et des mairies
V’là les monuments qu’il nous faut,
Avec, pour les charcuteries,
L’horrible et rougeâtre échafaud.


Et, comme du bonheur la source,
- Si pour les Grecs vous palpitez -
Gardez ces temples grecs, la Bourse
Et la Chambre des Députés.


Maintenant, vous feriez la joie
A coup sûr de vos électeurs
Si vous faisiez à claire voie
Passer les égouts collecteurs.


Recommandations dernières :
- On gueulera mais on paiera -
N’oubliez pas les pissotières
Sur les marches de l’Opéra.



Mais surtout des trams électriques,
Hein ? des tubes, des rails, des fils
Télégraphiques et phoniques,
Sans vous attarder au périls.


C’est alors qu’on vous dira : flûte !
Allons-nous-en. Tandis que vous,
Dans cette chevelure hirsute,
Régnerez en paix, vilains poux !


RAOUL PONCHON
le Journal

22 mars 1897
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