5 mai 2009

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OBSESSION DE L'EAU
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Chaque année, à la même époque ,
Quand sous la chaleur on suffoque ,
C’est le même cri dans Paris :
Ah ! mon Dieu, si l’eau continue
A ne pas tomber de la nue,
Nous allons tous être cuits, frits.

Que sur quelque fleuve baroque ,
Le Mancanarès, l’Orénoque…
Ne vient pas nous ravitailler ,
Comment pousserons nos fleurs, voire
Qu’est-ce donc qu’il nous faudra boire ?
Avec quoi nous débarbouiller ?

Nos puits sont morts et nos citernes
Ne furent jamais aussi ternes.
Nous avons épuisés la Dhuis,
Le lac Pigalle ainsi que l’Avre ,
Et la sécheresse vous navre
De la Fontaine Médicis…

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Mais aussi, Parigots, mes frères ,
Quels diables de dieux contraires
Vous forcent à boire tant d’eau ,
Quand la divine Providence ,
Dont la France est la résidence ,
De tant de vins vous fait cadeau ?

Car, jamais depuis le Déluge
L’eau n’a trouvé pareil refuge
A vos estomacs de Romains
Cholérateux et pestiférés..
Enfin cela c’est votre affaire ,
Pour moi, je m’en lave les mains.

Dans ce beau pays qu’est le nôtre,
Qui n’est pas plus bête qu’un autre,
C’est tout de même rigolo
De vous voir, mes enfants, en proie
A cet appétit de lamproie
Pour l’eau ! pour cette exécrable eau !

Dites-moi par quel fanatisme ,
Sinon grenouillard fanatisme
Vous êtes si férus de l’eau ,
Que vous croyez cette coupable
La seule jouvence capable
De vous maintenir au tableau ?


Alors, comme a dit un grand homme
- Je ne sais lequel - qu’il n’est , en somme ,
Sur terre… que deux sortes d’eau ,
L’une absurde, nulle, passive ,
L’autre , infiniment plus active ,
Nous jette en un mortel dodo.

Ainsi, croyez bien, pauvres poires,
Que si vous n’avez pas à boire,
Toute l’eau, même la moitié
De celle qui nous parait due,
Allez, la cause est entendue
Le Ciel vous a pris en pitié !

« Ayant moins d’eau, dit la Palisse,
J’en bois moins », c’est tout bénéfice,
Mais c’est parler dans le désert.
Hydrophiles indécrottables,
Qui mettez des eaux sur vos tables,
Dites quelquefois de … dessert !


Enfin, si telle est votre envie,
Si vous êtes encore en vie,
Malgré l’eau qui vous manque ici,
O Pèlerins ! prenez vos gourdes.
Jamais elle ne manque à Lourdes !
J’en viens. Au revoir et merci.


RAOUL PONCHON
le Courrier Français
03 août 1906
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