24 mars 2009

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Vieille Tiare en Art nouveau
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O Heron de Ville Fosse *
Dors tranquille. Il n’y a pas
Que la tiare de fausse
*
En ce fâcheux Ici-bas.

Va, c’est le vrai le plus rare.
Le faux domine partout.
Une plus ou moins tiare
Fiche-t’en et moi itou.

Si l’on sortait des musées
Tels tableaux qualifiés,
Les foules désabusées
N’y remettraient plus les pieds.

Que de toiles endormies
Chez de vieux richards Chanchards
Relèvent d’académies
Des Faux Arts et des quat’zarts !


Quand un homme de génie
Fait, avec l’aide de Dieu
Quelque œuvre rare, infinie…
Aussitôt un rich' heureux

Sous l’influence du Diable
Va l’imitant de ce pas
Et fait une œuvre semblable
Pour qui n’y regarde pas.

Le faux est notre atmosphère
Du palais jusqu’au grenier…
Et nous n’y pourrons rien faire
Jusqu’au Jugement dernier.


Si nous sommes, pauvres hommes,
Trompés par de faux experts,
Que dire si nous sommes
Encor par des gens pervers !

De quelque côté qu’on aille,
On tombe, dans l’art nouveau,
Dans l’horrible et le canaille
Qui sont le comble du faux.



Le truquage ne s’exerce
D’ailleurs point dans les seuls Arts.
L’Industrie et le Commerce
Fournissent leurs grandes parts.

Faux poids et fausses mesures
Mettent ton flair aux abois :
Camelotes, roussissures
Ce que tu manges et bois !


Veux-je faire une ribote ?
Je n’ai qu’un simili-vin.
J’en devrais payer la note
Avecque de faux tablions

Partout ce n’est que faux sages
Et que faux républicains,
Faux bonhommes, faux visages
Et véritables requins.


Dieu lui-même nous égare
Sans motif et sans raisons :
Car sa droite nous bigarre
De fausses belles saisons.


Le soleil nous doit son terme,
Nous avons beau l’épier…
O mon vieux Saïtaferme !
A qui peut-on se fier ?


Peut-être m’allez-vous dire :
Mais le faux ne sévit point
Seulement dans notre empire.
Pourquoi l’ire qui vous point ?

Oh ! je le sais bien, pardine !
Qu’il est des fripons ailleurs
Et ne m’en extraordine.
Mais en sommes-nous meilleurs ?



RAOUL PONCHON

le Courrier Français

avril 1903
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