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FEU BIBI
.Pauvre Bibi, pauvre purée *
De Bibi ! le peu de durée
De ton existence indurée !
Te voilà donc mort, ô Bibi !
Tes cinquante ans de biribi
Terrestre tu les as subis
Avec assez de désinvolte ;
Sans un cri, sans une révolte.
Tu vins tard, après la récolte.
Qui étais-tu ? d’où venais-tu,
Espèce de Bibi têtu,
Entre le vice et la vertu ?
Epave étrange de la vie,
Fantochade trop tôt ravie
A ma sympathie suivie.
Cruelle énigme ! dur rébus !
O brave pithécanthropus
Sous ta redingue et ton gibus,
Tu défiais toute épithète.
Sa Biscornuité ta tête
Etait d’un pape ou d’un esthète.
Tu semblais l’âme des pavés.
Quelquefois tes torts aggravés
Te conduisaient où - vous savez…
D’une intransigeance notoire,
Notre régime caquetoire
N’était pas pour toi péremptoire.
Je t’ai vu faire fi des flics,
Te gausser des pouvoirs publics,
Conchier nos kaiserlicks.
Paresseux jusques au délire
Et maigre au point qu’on pouvait lire
Toutes les cordes de ta lyre !
On va se demandant de quoi
Tu gavais ton corps iroquois
Pour qu’il ne restât point trop coi.
Je t'ai vu dans plus d’une enceinte
Qui déjeunais d’une herbe sainte
Et dînais le soir d’une absinthe.
Et puis, où couchais-tu, la nuit ?
Vraisemblablement où celui
Veut qu’on couche qui fait la nuit.
A ce régime élémentaire
Tu ne pouvais sans un mystère
Rester plus longtemps sur la terre.
Tu n’y es plus, te voilà feu.
Peut-être est exaucé ton vœu ;
Après tout, tu vivais si peu.
Que le Seigneur et Notre-Dame
Prennent en pitié ta pauvre âme,
Ta pauvre loque et chiffe d’âme !
août 1903
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Ponchon n'appréciait guère Bibi la Purée qu'il a bien connu à Montmartre et ailleurs, mais lui rend une sorte d'hommage en tant que personnage incontournable de l'époque.
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