.
.
DINERS MINISTERIELS
.DINERS MINISTERIELS
Dis-moi ce que tu manges,
Je te dirai ce que c’est.
(Sagesse des nations)
Je ne fus pas peu surpris,
Je vous le dois dire,
Ouvrant mon Cri de Paris
L’autre jour, d’y lire
Qu’on mange mal chez la plu
Part de nos ministres ;
Les menus, si j’ai bien lu,
Y sont ternes, bistres ;
Leurs dîners officiels
Sont des casse-croûtes
A peine substantiels ;
On y crève en route.
On briffe chez Hanotaux,
Notre grand ministre,
Comme chez feu Flicoteaux
De façon sinistre.
Tu penses qu’Hanotaux a
Autre chose en tête
Qu’à manger comme moi, toi ;
Il serait trop bête.
C’est plutôt à discourir
A table qu’il brille.
Malheur ! qu’il doive nourrir
Sa pauvre guenille !
Chez Cochery l’on vous sert
Les laissés pour compte
Les grands restaurants-concert,
A ce qu’on raconte ;
Chez Milliard, chez Lebon,
C’est la brasserie…
La choucroute… le jambon…
Ton triangle, ô Brie !
Rambaud - oyez bien cela -
N’a pas de cuisine ;
On lui fait crédit à la
Gargote voisine ;
Chez le général Billot,
On sert la gamelle ;
Chez Besnard, du cachalot
Ou de la chamelle ;
Chez Turrel, Barthou, Boucher
- Elle est bien plus forte -
Veut-on un hareng mâcher ?
Il faut qu’on l’apporte.
On dit pourtant - disons-le -
Que monsieur Méline
Possède un vrai cordon-bleu,
Que chez lui l’on dîne…
Voilà qui est bien ; Poireau,
Je le dis sans frime :
Tu monts d’un numéro
Dedans mon estime.
Mais quoi ! Chez tes compagnons,
Ces dîners atroces
Pour ?… ménager nos pognons ?
Ah bien oui, les rosses !
Il n’y a pas de danger.
D’ailleurs, il en coûte
Aussi cher pour mal manger
Bien souvent, écoute.
Non. Ces messieurs vous diront
Qu’on ne saurait guère
Mener le travail, de front,
Et la bonne chère.
Bah ! C’est bien paradoxal :
Car, chez notre père
Félix, on mange aussi mal,
Qui n’a rien à faire.
Mais, mon Dieu, tas d’Hanotaux !
Vous ne sauriez croire
Combien profite aux cerveaux
Bien manger et boire.
Manger chaud et boire frais,
Malgré qui qu’en grogne,
Comme l’on besogne après
Meilleure besogne !
J’en connais l’heureux effet,
Moi, pauvre poète :
Quand mon ventre est satisfait,
Plus prompte est ma tête.
Voyons, mal manger d’abord,
Quand on peut mieux faire,
Qu’est-ce que c’est que ce sport
Extraordinaire ?…
Et puis… manger des cacas
Si ces goûts sont vôtres ;
Mais faites, dans tous les cas,
Bien manger les autres.
.
Je te dirai ce que c’est.
(Sagesse des nations)
Je ne fus pas peu surpris,
Je vous le dois dire,
Ouvrant mon Cri de Paris
L’autre jour, d’y lire
Qu’on mange mal chez la plu
Part de nos ministres ;
Les menus, si j’ai bien lu,
Y sont ternes, bistres ;
Leurs dîners officiels
Sont des casse-croûtes
A peine substantiels ;
On y crève en route.
On briffe chez Hanotaux,
Notre grand ministre,
Comme chez feu Flicoteaux
De façon sinistre.
Tu penses qu’Hanotaux a
Autre chose en tête
Qu’à manger comme moi, toi ;
Il serait trop bête.
C’est plutôt à discourir
A table qu’il brille.
Malheur ! qu’il doive nourrir
Sa pauvre guenille !
Chez Cochery l’on vous sert
Les laissés pour compte
Les grands restaurants-concert,
A ce qu’on raconte ;
Chez Milliard, chez Lebon,
C’est la brasserie…
La choucroute… le jambon…
Ton triangle, ô Brie !
Rambaud - oyez bien cela -
N’a pas de cuisine ;
On lui fait crédit à la
Gargote voisine ;
Chez le général Billot,
On sert la gamelle ;
Chez Besnard, du cachalot
Ou de la chamelle ;
Chez Turrel, Barthou, Boucher
- Elle est bien plus forte -
Veut-on un hareng mâcher ?
Il faut qu’on l’apporte.
On dit pourtant - disons-le -
Que monsieur Méline
Possède un vrai cordon-bleu,
Que chez lui l’on dîne…
Voilà qui est bien ; Poireau,
Je le dis sans frime :
Tu monts d’un numéro
Dedans mon estime.
Mais quoi ! Chez tes compagnons,
Ces dîners atroces
Pour ?… ménager nos pognons ?
Ah bien oui, les rosses !
Il n’y a pas de danger.
D’ailleurs, il en coûte
Aussi cher pour mal manger
Bien souvent, écoute.
Non. Ces messieurs vous diront
Qu’on ne saurait guère
Mener le travail, de front,
Et la bonne chère.
Bah ! C’est bien paradoxal :
Car, chez notre père
Félix, on mange aussi mal,
Qui n’a rien à faire.
Mais, mon Dieu, tas d’Hanotaux !
Vous ne sauriez croire
Combien profite aux cerveaux
Bien manger et boire.
Manger chaud et boire frais,
Malgré qui qu’en grogne,
Comme l’on besogne après
Meilleure besogne !
J’en connais l’heureux effet,
Moi, pauvre poète :
Quand mon ventre est satisfait,
Plus prompte est ma tête.
Voyons, mal manger d’abord,
Quand on peut mieux faire,
Qu’est-ce que c’est que ce sport
Extraordinaire ?…
Et puis… manger des cacas
Si ces goûts sont vôtres ;
Mais faites, dans tous les cas,
Bien manger les autres.
.
.
RAOUL PONCHON
Le Journal
04 avril 1898
RAOUL PONCHON
Le Journal
04 avril 1898
.
.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire