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FABLE ou HISTOIRE
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Un derrière, un beau jour, se mit des favoris,
Un faux nez ; il poussa d'épouvantables cris,
Alla partout, disant : " Voyez, je suis un homme ;
Veut-on savoir mon nom ? c'est Bibi qu'on me nomme ;
En d'autres termes, mes enfants, c'est moi Bibi,*
On doit suffisamment le voir à mon habit. "
Puis, ce prussien vil et que la peur constipe
Sortit de sa culotte une effroyable pipe
Qu'il se mit à fumer. " Je fume, donc je suis,
- Disait-il, - regardez ; et si je veux, je puis
Faire des ronds dans l'air, exhaler la fumée
Par le nez, ( ma façon d'ailleurs accoutumée). "
C'est vrai disait le peuple, il fume, donc il est.
On le prit pour quelqu'un, c'est tout ce qu'il voulait.
Or, peu de temps après, flanqué d'un vieux complice,
Sous les yeux paternels de l'aimable police
Il s'embusquait la nuit, au bord des grands chemins,
Avec des couteaux et des tromblons plein les mains,
Détroussait les passants, pillait les diligences ;
Et les hommes n'étant que de viles engeances
A ses yeux, si l'un protestait, ce coquin
Lui disait d'aller voir s'il était au Tonkin ;
La femme comme il faut, il la rendait enceinte,
- Si j'ose m'exprimer ainsi dans cette enceinte ;
Avec ses favoris comme un demi-sapeur,
Il effrayait chacun qui se mourrait de peur.
Le meurtre et la rapine étaient son atmosphère ;
Enfin il faisait tout ce qu'un homme sait faire.
A ses moments perdus, il fabriquait des faux :
Et je n'inscris ici que ses moindres défauts ;
Il tuait d'une main, jurait de l'autre : " Ah ! bigre !
Si la France n'est pas contente, qu'elle émigre ;
Moi je reste ! " Il était blasphémateur, rajeur,
Avec le fier bagout d'un commis voyageur ;
Et, brochant sur le tout, il avait l'air d'un cuistre :
C'est plus qu'il n'en fallait pour devenir ministre.
Il le fut, le défut, et le refut encor,
Tant qu'à la fin nous l'extirpâmes comme un cor.
C'est alors que rongé par les vicissitudes
Il reprit peu à peu ses vieilles habitudes,
Retua, repilla, fit de rechef : Broum, broum...
Disant : " Qu'il vienne donc, le général Boum-boum,
S'il n'est pas vraiment la dernière des mazettes. "
Le brave général prit alors des pincettes,
Souleva la chemise à ce triste cocu,
Mit à nu ce derrière, et dit : " Tu n'es qu'un cul. "
RAOUL PONCHON
le Courrier Français
1887
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1887
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