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LE CORSET DE LA POMPADOUR
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Si c’est moi qui me trompe,
Alors, qu’on m’interrompe.
Je dis que les journaux
Perdent leurs éloquences
Dans le temps des vacances
Et deviennent banaux,
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Vides et creux, ineptes.
- Toutefois, j’en excepte
Le dénommé Journal,
Lequel, avec des princes
Tels que moi, des moins minces
Ne saurait être anal.
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Mais vraiment, pour le reste,
S’y trouve-t-il un zeste,
Un fifre d’intérêt ?
La substance en est lâche,
L’esprit y fait relâche,
Ou, comme qui dirait,
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La vie, en quelque sorte,
N’y vit plus, elle est morte,
Et cela tient à quoi ?
A cette chaleur sombre
De trente-six à l’ombre ?…
Sans doute. Quant à moi,
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Je dis et je répète :
Non, vraiment, c’est trop bête
Que les journaux, l’été.
Je reçois cent gazettes,
Des jeunes et des blettes,
C’est la vacuité.
J’y lis tous les articles
Jusqu’au nom du gérant ;
Et toutes les rubriques…
Autant mâcher des briques,
C’est bien plus restaurant.
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En vain, je me consume
A donner de la plume
De pauvre gazetier
Une ombre de pâture,
Un motif d’écriture…
Ah ! qué fichu métier
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D’exercer sa loquette
Sur la chose actuelle !
En faut de la santé.
Hé ! puis-je faire naître,
En ouvrant ma fenêtre,
De l’actualité ?
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Une affaire bitrange
En ce moment dérange
Le cerveau de Paris ;
Mais, devant qu’elle gagne
Le mien, à la campagne,
Mes cheveux seront gris.
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* ...*
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Ainsi, cette semaine,
J’étais encore en peine
De copie - oh, combien ! -
Désespérant, pour cause,
De trouver quelque chose
D’assez parisien,
Quand, dans une gazette,
Je lus cette chosette
Digne de mon humour :
Que l’on venait de vendre
Un corset rose tendre
De notre Pompadour !
De quelle Muse prompte,
En rimerait le comte
Robert de Montesquiou !
A côté de ce maître,
Je ne puis me permettre
De gonfler mon biniou.
Faites-moi donc, quand même,
En ce jour de carême,
Parler de ce corset ;
J’en ai peut-être à dire
Quelque peu sur ma lyre :
On ne sait pas… qui sait ?…
Ce corset de mérite
De notre favorite,
- Si j’en crois mon journal, -
Jouissait d’une poche
Devers les tétons proche…
Ça n’est point tant banal.
Mais ici, je m’arrête,
Car Béranger me guette.
J’en ai déjà trop dit,
O mes lecteurs de France,
Vivez dans l’espérance,
Et faites-moi crédit.
D’autant plus, par ces trente
Degrés, sinon quarante,
Que je deviens manchot.
Je vais faire ma sieste,
Et vous dirai le reste
Quand il fera moins chaud.
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RAOUL PONCHON
Le Journal - 07.08.1899
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RAOUL PONCHON
Le Journal - 07.08.1899
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