25 sept. 2010

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LE TANGO
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Je connais plus d'un Ostrogoth
Qui considère le "Tango"
Bon tout au plus pour Chicago.

Je les trouve un peu bien sévères
Pour cette danse de nos pères
Les singes - mettons nos grands-pères,

Car, pour moi, je n'en doute pas,
Ce furent là les premiers pas
Qu'esquissèrent ces grands-papas.

Assurément, au cours des âges
Comme les moeurs et les usages,
Ce tango devient moins sauvage ;

Ainsi, de toute antiquité,
Cette danse aura existé,
Nous dit un poète écouté...

Tenez... il me dirait, en somme,
Que Vénus, pour avoir la pomme,
Tangua devant ce beau jeune homme

Dénommé le berger Pâris,
- Lequel en perdit l'esprit -
Je n'en serais du tout surpris.

*
* *


Pourquoi donc se mettre en cervelle
Pour cette danse point nouvelle,
Où mille horreur ne se révèle

Vraiment ? Car il est bien certain
Que, si le danseur argentin
S'y montre un peu trop libertin,


En France, cette même danse,
De chorégraphie assez dense,
Ne comporte aucune license.

Et c'est par cela qu'elle vaut.
Mais dame ! il y faut tirlifant
Une souplesse sans défaut.

*
* *

Ce tango, ajoutons encore,
Vaut mieux que ces sauts de pécore
De ces filles de Terpsichore,

Qui s'agitent sous un tutu,
Qui vendent du jette-battu...
Ca, lecteur, c'est vilain, sais-tu ?

C'est une ineptie, une scie,
Une coupable acrobatie,
Et Dieu sait si je m'en soucie !

Le tango me parait cent fois
Plus nerveux, plus chaste à la fois,
Et beaucoup moins toupie en bois.

Ainsi, les mères de famille,
Vous y pouvez mener vos filles,
Et vous, pères, vos jeunes drilles.

Si, pendant ce sport chaleureux,
Vos enfants tombent amoureux
L'un de l'autre, tant mieux pour eux.


Enfin, sans vouloir vous induire,
A tout le moins je puis dire :
Le tango n'est meilleur ni pire.

Son seul tort - il est bien léger -
C'est, dit-on, de faire enrager
Ceux qui ne peuvent plus... bouger.



RAOUL PONCHON
le Journal
29 déc. 1913



1 commentaire:

Anonyme a dit…

Danser le tango avec Ponchon, c'est possible. Du grand art.
Un ponchonphyle