27 oct. 2008

.
.
.
SPIRITISME
.
Le spiritisme qui était originaire d’Amérique s’était répandu dans le monde entier. Dans les salons, on faisait tourner les tables. Flammarion lui-même ne cessa d’y croire qu’en 1899 après l’avoir pratiqué pendant trente ans. On sait enfin que Hugo* * pratiqua le spiritisme, à Jersey, à partir de 1853.
.

Le fantôme : je suis l’esprit de ton père.

Hamlet

.

Nous étions autour d’une table
Dix idiots, après dîner,
Mais de bonne foi véritable,
Qui voulions la faire tourner ;

Nos mains se touchaient, le fluide
S’échappait du bout de nos doigts
Et courait dans ce meuble vuide
Comme la sève dans le bois.

Après un temps de complaisance,
Un esprit ?… plus qu’évidemment,
Y manifesta sa présence
Par un très léger craquement.

Nous étions autour d’une table
Dix idiots, après dîner,
Mais de bonne foi véritable,
Qui voulions la faire tourner ;

Nos mains se touchaient, le fluide
S’échappait du bout de nos doigts
Et courait dans ce meuble vuide

Comme la sève dans le bois.


Après un temps de complaisance,
Un esprit ?… plus qu’évidemment,
Y manifesta sa présence
Par un très léger craquement.

« Je vis dans un pays funèbre,
Mettons… entre cour et jardin,
Qui pour n’être pas la Ténèbre
N’est pas pour cela plus badin ;

« Pays mixte, vague, saumâtre,
Intermédiaire, déteint,
Aussi folâtre qu ‘un théâtre
Vide, une fois le gaz éteint.

« Pays de brumes, de grisailles,
( que j’aimerais mieux Charenton ! )
Pays absurde où les volailles
Ne sont même pas en carton.

« Les femmes… c’est du… clair de lune ;
Et si, - dame, on n’est pas de bois -
Il m’arrive d’en palper une,
Elle me filtre entre les doigts.

« Aussi loin que mon œil découvre
Je ne vois que formes sans corps
Flottant comme ballons du Louvre ;
Autant de gagné pour mes cors.



« De quelque côté que je vire,
C’est la même toile de fond ;
Ce serait mon pire martyre,
Si ça n’était pas si bouffon.

« Quelle faute ai-je donc commise
Lorsque je respirais au jour,
Pour que ma pauvre âme soit mise
Dans un aussi dolent séjour ?

« Et cependant, j’y pourrais vivre
Si ce n’était monsieur Sardou…
Seigneur, que sa mort me délivre !
Cet homme-là me rendra fou.

« Depuis qu’il fait du spiritisme
Il va m’évoquant nuit et jour,
Et me condamne avec cynisme
Au plus cruel des hard labour.

« Je retape ses vaudevilles,
Ses Tosca, ses Théodora,
Ses Rois Carotte, crocodiles,
Ses Thermidor, et caetera…


« N’est-ce point le dernier des pleutres
De faire travailler encor
A des besognes aussi neutres
Un pauvre homme, quand il est mort ?

« Et pour comble, ce merluche
- Ce serait pourtant un chrétien -
Ne met pas mon nom sur l’affiche,
« Ca fait que je ne touche rien. »



RAOUL PONCHON
le Journal
15 fév. 1897
.
.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je me permets de vous signaler la répétition de trois strophes.

PS : Mille et un mercis pour ce partage (vos illustrations sont remarquables...)