6 oct. 2007

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FRANCOIS COPPEE
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La bonté se traîne,
quand elle ne peut marcher.
(Ecossais)




Le doux et mélancolique
Poète que c'était là,
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Qui, dans sa foi catholique,
Aux plus fervents s'égala.

Aux heures d'impatience
Et de jeunesse, il avait
Appris tout seul la science
Et l'art des vers qu'il rêvait.

Tout de suite, il en fut maître,
Parmi les parnassiens.
Domptant le rythme et le mètre ;
Mètre et rythme, il les fit siens.

Et bien des lyreurs s'émeuvent
Du cas que l'on fait de lui
Comme poète, qui peuvent
S'en réclamer aujourd'hui.

Il eut la divine flamme.
Il a su mettre, en effet,
Toute son ingénue âme
En des poèmes parfaits ;

En de pures élégies,
Qui seront son testament,
Et que les anthologies
Garderont pieusement.

On redira, sous la lampe,
Le prenant en amitié,
Tous les vers de bonne trempe
Où s'éveille sa pitié.


Et l'on plaindra ce brave homme,
Presque toujours indispos,
Qui, devant son dernier somme,
Ne connut pas le repos,

Qui, sans jamais qu'il proteste,
Souffrit même en ses bonheurs,
Et qui sut rester modeste
Dans la gloire et les honneurs.

Il gardait pour les ancêtres
De la vénération ;
Et les jeunes gens de lettres
L'avaient en affection.

Il les accueillait... de verve,
Sans se lasser, les faisant
Profiter de sa Minerve,
En un parler séduisant.

Sa bonté coulant de source,
Que de fois il les soutint
De son coeur et de sa bourse,
Tout entier à son instinct.

Pourvu que l'on fût sincère,
Il admettait toute foi ;
Ne trouvant pas nécessaire
De rien ramener à soi.


Comme il était dans la voie
Du Seigneur de vérité,
Celui-ci lui fit la joie
De s'en aller en beauté !

Le voici donc dans la tombe,
De par la grâce de Dieu.
Car son âme de colombe
Palpite dans le ciel bleu.

Car le poète s'honore
Devant la divinité,
Moins d'un poème sonore
Que d'un acte de bonté !




RAOUL PONCHON
le Journal
25 mai 1908


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