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le nommé Pied

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Non, messieurs ; non, mesdames,
Avec vous, bonnes âmes,
Je ne suis pas d'accord ;
Pied n'est pas mort.

Je vous entends me dire :
" Qui, Pied ? Vous voulez rire ? "
Eh bien, ça va de soi,
C'est vous, c'est moi,

C'est nous; c'est l'immuable
Et bon contribuable,
La poire, le gogo,
Le pur coco...

Non, Pied n'est pas mort, dis-je ;
Il a l'âme, ô prodige !
Bien chevillée au corps,
Disons aux cors.

*
* *

Pied travaille, Pied sue
O travail sans issue !
Inutile sueur
Du travailleur !

Pied doit son gain soumettre
A l'Etat, son vieux maître,
Avant que de songer
Au boulanger.

Et lorsque en cet abîme
Il a versé sa dîme,
C'est à peine s'il peut,
Selon son voeu,

Sur ses maigres recettes
Se payer des chaussettes.
Mais Pied, quant aux souliers,
Peut se fouiller.


*
* *

Pied se prend à tous pièges
Comme à tous les manèges ;
De même, il coupe dans
Tous les godans.

Pied est un fanatique
De lumière électrique
Comme du jour levant...
Or, bien souvent,

Il ne sait trop quels zèbres
Lui versent des ténèbres ;
Et, s'il veut faire un pas,
Il ne peut pas.

Il n'aime pas la boue...
A la boue on le voue !
Et, pour ses agacins,
C'est très malsain...

Quelquefois Pied rouspète,
Quand, par trop, on l'embête
Quand ses oeils-de-perdrix
Sont trop meurtris.

Mais Pied n'a pas de tête !
C'est Pied, sans épithète.
Il est, ce bien nommé,
Vite calmé.

Le lendemain, il vote
Et pour la même botte
Et les mêmes tabous.
Que voulez-vous ?...


On lui dit : " Marche ! " il marche,
Fier comme un patriarche
Selon le bon plaisir
De ses vizirs.

Que veut-on qu'il réplique ?
Comme son nom l'indique
Pied est fait pour marcher,
Non pour mâcher



RAOUL PONCHON
le Journal
22 mars 1909