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ALBUM de BAISERS
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La personne invitée imbibe ses lèvres de carmin
et dépose un baiser sur l'album de Miss Evans.
(Journaux)
- Oui, me dit monsieur Bertillon,
Prince de l'anthronométrie, *
En fixant sur ma seigneurie
Ses petits yeux d'émérillon.
L'idée en soi me paraît drôle
De cette empreinte de baisers ;
J'ai cru même l'utiliser
Pendant un temps pour mon contrôle.
Je me disais : " C'est à creuser... "
Encore que soit chimérique
Tout ce qui nous vient d'Amérique.
Qui sait ? tel pouce, tel baiser !
Alors, en bonne conscience,
J'ai parcouru maintes prisons
Et autres coupables maisons,
Pour faire mon expérience.
Sur un album en parchemin,
J'ai prié les clients d'élite
D'y appliquer leur bouche enduite
Au préalable de carmin.
Cet album, ne vous en déplaise,
Ne m'a rien donné jusqu'ici,
De probant. D'ailleurs, le voici.
Feuilletez-le tout à votre aise.
Vraiment, il ne me révêla
Que correspondances lointaines...
Les baisers y sont par centaines
Tenez, regardez celui-là !

On dirait d'un baiser de vierge,
N'est-ce pas ? Eh bien ! c'est celui
D'un qui, pas plus tard qu'aujourd'hui
Vient d'assassiner son concierge.
Celui-ci, n'est-il pas charmant ?
Il est appuyé, verveux, tendre.
Pour un peu vous croiriez l'entendre.
C'est un vrai baiser de maman.
Cet autre, est comme une églantine.
Il est rose, frais, cajoleur ;
C'et pour vous le baiser en fleur
Eclos d'une bouche enfantine !
Vous en jureriez ? Hélas ! non.
Ce sont des baisers de crapule,
De deux apaches sans scrupules,
Qui n'ont de l'homme que le nom.
Voyez ces autres, en revanche,
Ils semblent monstrueux, hideux ?
Ils sont simplement hasardeux,
N'ont pas leur habit du dimanche ;
Etant, ceux-là, d'un être pur,
Qui fut condamné par méprise,
Et n'attend plus que l'entreprise
De cet excellent Jacques Dhur.

*
* *
Non, c'est se perdre dans la brousse,
Que de s'attarder aux baisers.
Pour confondre des accusés,
Rien ne vaut l'empreinte du pouce.
Les baisers, de sens dénués,
Avec horreur je les repousse.
Montre-moi seulement ton pouce,
Et je te dirai qui tu es.
Je ne dis pas l'auriculaire,
Ni non plus le doigt du milieu,
Le pouce ! Dans l'oeuvre de Dieu,
Le pouce est la pierre angulaire.
Je ne puis trop le répéter,
Car ma conviction est faite ?
Si vous pouvez changer de tête,
De pouce, il n'y faut pas compter.

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