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FELIX QUI POTUIT...
(ORIENTALES)
Si je n’étais captive
J’aimerais ce séjour…
V.HUGO
(Orientales)
(Orientales)
« Je voudrais être Russe
Si je n’étais Français ;
Avant que né je fusse
C’est à quoi je pensais.
Par la Nouvelle-Zemble !
En ce jour il me semble
Être les deux ensemble
N’est-ce point un excès.
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« A mon bon goût fidèle,
Je n’irais pas jusqu’à
Manger de la chandelle…
Non, je ne dis pas ça ;
On voit bien que mon naze
Ne vient pas du Caucase,
Il faudrait un ukase
Qui me le cosaquât.
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« Moi j’aime la Russie,
La tsarine et le tsar
Et leur autocratie
Qui n’est point de hasard.
Ah ! Mon Dieu, quand j’y pense,
Qu’est-ce ma présidence ?
Un titre de romance,
Un masque de Quat’z’arts.
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« J’aime ce peuple énorme
Où le moindre civil
Arbore un uniforme
Au lieu de l’habit vil ;
Où ces messieurs de lettres
Sans le plaisir du maître
Ne peuvent se permettre
De remuer un cil.
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« J’aime ce pays type
Et son hiver fréquent :
Moi, ta chaleur m’étripe
A la mode de Caen.
Quel charme, quel délice,
Sucer de la réglisse,
Avoir une pelisse,
Un bonnet d’astracan !
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« En troïka rapide
M’en aller donc déjà,
Suivi du loup avide !…
Descendre la Volga.
Cependant que résonne
Sous la main qui frissonne
D’une jeune personne
La balalaïka.
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« J’aime encore la foire
De Nijni-Novgorod,
Ou dans la steppe noire
Me perdre, vrai Nemrod…
Lire Tolstoï, quand j’erre ;
Bien qu’en langue étrangère
Sa prose est plus légère
Que celle d’Edouard Rod.
« Adorer les icônes !
Manger du caviar !
Et dans les isbas jaunes
Que le Grand Hospodar
Y sema comme en France,
Quand le froid est intense
Ouïr dans le silence
Chanter le samovar !
« Ou bien sur cette unique
Perspective Newski,
Sanglé dans ma tunique
Et prenant mon raki,
Mon koumiss ou mon kwasse
Regarder face à face
Le régiment qui passe
De Preobrajenski !
..« Mais surtout (que j’abrège,
Il me parait urgent)
J’adore sur la neige
Etre assis en songeant,
A cette heure opportune
Ou - comme on dit - la Lune
Se coiffe, en la nuit brune
D’un kabouchnik d’argent ! »
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RAOUL PONCHON
le Courrier Français
15 août 1897
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