12 sept. 2009

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TROP DE POLITIQUE
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« Si tu es seigneur et moi aussi, qui étrillera le cheval ? »
Sagesse des Nations

 
 
La France est un pays charmant,
- A l’instar de la Chine, -
Il n’est pas de ciel plus clément
Sur la ronde machine.
 
On dit, et je le crois aussi,
Qu’elle est la Benjamine
De Dieu, dont c’est le seul souci
De lui voir fraîche mine.
 
Tout étranger qui la connaît
Et la met en pratique,
Affirme volontiers qu’il n’est
Pays plus sympathique.
 
Elle épanouit sous les cieux
Ses collines riantes,
Ses bois, ses vallons spacieux,
Ses plaines verdoyantes.
 
Elle offre aux baisers du soleil
Ses guérets et ses vignes.
On y boit un air sans pareil,
Ses saisons sont bénignes.
 
 
Terres d’aise et de liberté
A nulle autre seconde
Elle est comme un grain de beauté
Sur la face du monde.
 
Elle a le cœur franc comme l’or
Et l’âme harmonieuse
Comme la Lyre. Et, sans effort,
Elle est industrieuse.
 
Elle a, plus nombreux que fourmis,
Des savants, des artistes.
Pourquoi nous faut-il, mes amis,
Vivre des jours si tristes ?
 
Elle joint au bon sens romain
Une bravoure franque.
Je ne sais, après examen,
Vraiment ce qu’il lui manque.

 
*
* ...*

 
 
Hélas ! C’est que la France aussi,
Aujourd’hui lunatique,
Sans repos comme sans merci,
Se rue en politique.
 
D’un bout de l’an à l’autre bout,
Voici qu’elle s’occupe
De ce sport à dormir debout
Et dont elle est la dupe.
 
Hier, c’étaient les élections,
Et ce sera la Chambre
Demain, quoi que nous y fassions.
De janvier à décembre,
 
Tout un peuple discutera
Les actes et les gestes
De ses élus, et mâchera
Leurs discours indigestes.
 
Les journaux en seront remplis.
Nous n’aurons, comme trêve
Consécutive à nos conflits,
Que la bombe ou la grève.
 
 
N’allons-nous donc sortir jamais
De cet affreux grabuge ?
Nous faudra-t-il, sur les sommets,
Enterrer un déluge ?…
 
Ah ! si cela devait durer,
O pays de Cocagne !
Que l’Art seul devrait illustrer,
Tu serais tôt un bagne.
 
Si tu ne veux pas voir un jour
Gâté ton beau physique,
O ma patrie ! ô mon amour !
Reste dans la… musique.
 
RAOUL PONCHON
le Journal
07 mai 1906

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