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le CRÂNE de DESCARTES
. Quot libras in duce summo *
Juvénal
Au lieu de pâlir sur des cartes
Balkaniques d’état-major,
Je veux du crâne de Descartes
Parler, s’il en est temps encor.
Donc, Descartes avait un crâne.
Puisque j’en possède un aussi,
Rien d’étonnant. Mais, Dieu me damne !
Où l’ai-je mis ?… Ah ! Le voici.
Or, ce crâne de philosophe
- Je parle du cartésien -
Car le mien est d’une autre étoffe,
Que voulez-vous ? Chacun le sien.
Ce crâne, dis-je, un vrai cratère,
On croyait qu’il était perdu,
Depuis que son propriétaire
Etait au tombeau descendu.
Un admirateur fanatique
L’avait subtilisé jadis,
Disait-on. Et, ce fanatique,
L’ayant incrusté de lapis,
S’en était fait une breloque,
Ou, peut-être, un pot à tabac.
Mais, hélas ! Depuis cette époque,
Il était dans quel mastaba ?… *
D’ailleurs, on n’y pensait plus guère,
Lorsque voilà ces jours-ci,
Dans une sorte d’ossuaire,
On le découvrit, Dieu Merci !
Parmi tant d’autres analogues,
En un pèle-mêle attristant.
Du moins, un savant phrénologue
N’en douta pas un seul instant.
- Je veux bien que l’on me trépane,
Disait-il, si ce n’est pas lui ;
Et, de plus, c’est un maître crâne,
Comme on n’en fait plus aujourd’hui.
- Ne parlons pas à la légère,
Disait un autre. Pour moi, ça,
C’est un crâne de phacochère,
Si ce n’est de babiroussa. *
*
* ...*
Et pourquoi sur ce crâne vide,
Véritable noix de coco,
Cette discussion aride,
Dont il nous arrive l’écho ?
Parfois tel homme de génie
A le crâne d’un idiot,
Et vice versa ? Qui le nie ?
C’est par son contenu qu’il vaut.
N’arrive-t-il pas que l’on prenne
Un crâne qui fut plein de vent,
Et réfractaire à la migraine,
Pour celui d’un vaste savant ?…
Et donc, ce crâne de Descartes,
Authentique ou pas, croyez bien,
Qu’en lui mettant une pancarte,
Nous croirons tous que c’est le sien.
Placez-le dans une vitrine,
Sanglotez dessus, tour à tour,
Et que rien plus ne vous chagrine
Jusques à votre dernier jour.
RAOUL PONCHON
1912
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Juvénal
Au lieu de pâlir sur des cartes
Balkaniques d’état-major,
Je veux du crâne de Descartes
Parler, s’il en est temps encor.
Donc, Descartes avait un crâne.
Puisque j’en possède un aussi,
Rien d’étonnant. Mais, Dieu me damne !
Où l’ai-je mis ?… Ah ! Le voici.
Or, ce crâne de philosophe
- Je parle du cartésien -
Car le mien est d’une autre étoffe,
Que voulez-vous ? Chacun le sien.
Ce crâne, dis-je, un vrai cratère,
On croyait qu’il était perdu,
Depuis que son propriétaire
Etait au tombeau descendu.
Un admirateur fanatique
L’avait subtilisé jadis,
Disait-on. Et, ce fanatique,
L’ayant incrusté de lapis,
S’en était fait une breloque,
Ou, peut-être, un pot à tabac.
Mais, hélas ! Depuis cette époque,
Il était dans quel mastaba ?… *
D’ailleurs, on n’y pensait plus guère,
Lorsque voilà ces jours-ci,
Dans une sorte d’ossuaire,
On le découvrit, Dieu Merci !
Parmi tant d’autres analogues,
En un pèle-mêle attristant.
Du moins, un savant phrénologue
N’en douta pas un seul instant.
- Je veux bien que l’on me trépane,
Disait-il, si ce n’est pas lui ;
Et, de plus, c’est un maître crâne,
Comme on n’en fait plus aujourd’hui.
- Ne parlons pas à la légère,
Disait un autre. Pour moi, ça,
C’est un crâne de phacochère,
Si ce n’est de babiroussa. *
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* ...*
Et pourquoi sur ce crâne vide,
Véritable noix de coco,
Cette discussion aride,
Dont il nous arrive l’écho ?
Parfois tel homme de génie
A le crâne d’un idiot,
Et vice versa ? Qui le nie ?
C’est par son contenu qu’il vaut.
N’arrive-t-il pas que l’on prenne
Un crâne qui fut plein de vent,
Et réfractaire à la migraine,
Pour celui d’un vaste savant ?…
Et donc, ce crâne de Descartes,
Authentique ou pas, croyez bien,
Qu’en lui mettant une pancarte,
Nous croirons tous que c’est le sien.
Placez-le dans une vitrine,
Sanglotez dessus, tour à tour,
Et que rien plus ne vous chagrine
Jusques à votre dernier jour.
RAOUL PONCHON
1912
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