21 juil. 2009

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LE PALAIS DES ILLUSIONS
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Je ne parle pas de celui
Encore en exercice
Qui semble un des clous aujourd’hui,
Où, par un artifice,
 
On est transporté par hasard,
Moins les frais sycomores,
Dans les jardins de l’Alcazar,
Délices des rois maures.

 
Le palais des illusions,
A mon sens, péremptoire,
Auquel je fais allusion,
C’est notre grande Foire.
 
Elle-même. Pendant six mois,
Peut-être j’en oublie,
Nous sombrâmes tous à la fois
Dans la douce folie.

 

Toute cette exposition
Ne fut qu’un vain phantasme
De notre imagination,
De notre enthousiasme.
 
La voilà bien, en vérité,
L’illusion griève :
Nous prîmes pour réalité
Ce qui n’était qu’un rêve.

 
Tous ces palais capricieux
Qui captaient les suffrages,
Se dressaient entre terre et cieux
Ainsi que des mirages.
 
Si vous ne croyez pas, messieurs,
Qu’ils n’étaient que mystère,
Vous n’avez qu’à fermer les yeux,
Ils eussent chu par terre.

 

Illusion ! ces pavillons,
Ces Japons et ces Chines
Dont tant nous nous émerveillions ;
Et toutes ces machines,
 
Inventions évidemment
De cerveaux en délire,
Tant ils vont sous le firmament,
Défiant toute la lyre.

 
Et tous ces emblèmes de paix
Dont il y eut pléthore,
Sous forme de canons épais,
Illusion encore !
 
Illusions, tous ces ramas,
Ces kaléidoscopes,
Et toutes ces belles Fathmas
Plus ou moins interlopes.

 

Illusion, ces auteurs gais,
Ces tréteaux, ces parades ;
Vous aviez l’air bien fatigués,
Mes pauvres camarades.
 
Illusion, cet art nouveau
Dans lequel on se vautre?
Heureusement ! car dans nouveau
Il y a veau - dit l’autre.

 
Chimère que ces restaurants
Où, malgré vos fringales
Et moyennant cent mille francs,
Vous jouiez les Tantales.
 
Mais vous aviez l’illusion
D’une adéquate chère,
Et - comble de sujétion -
De la note légère.
 

Vous crûtes voir le Tsar . A tort.
Illusion, vous dis-je.
C’était le prince Iukanthor
Dépourvu de prestige…
 
 
Illusion à chaque pas.
Mais, pour être sincère,
Croyez que je ne m’en plains pas ;
L’illusion m’est chère ;

 
Elle aide à ma digestion.
Sur la terrestre grève
Au fond, tout n’est qu’illusion,
Excepté notre rêve.
 
 
RAOUL PONCHON
Le Journal
29 septembre 1900

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