21 juil. 2009

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QUE D’AU ! QUE D’AUTEURS !
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Cependant que Paris se vide,
Qu’en lieu de ses Parisiens
Il ne voit qu’Anglais intrépides
Qu’il ne reconnaît pas pour siens ;
 
Que, soit vers la plage à la mode,
Soit vers le petit trou pas cher,
Nous accélérons notre exode,
A seule fin de changer d’air ;

 
Qu’il n’est jusqu’à Loubet lui-même
Qui ne rambouille à Rambouillet,
Paris étant tout un poème
De puanteur en ces juillet ;
 
Que les tribunaux, que la Chambre
Et les théâtres sont fermés,
Qui ne rouvriront qu’en septembre,
Ainsi que tous endroits famés ;
 

Seuls, nos chers auteurs dramatiques,
Sur promesses ou sur contrats,
Au fond de leurs châteaux gothiques,
Travaillent comme des forçats.
 
Qui pour Gémier, qui pour Antoine,
Pour Réjane ou Sarah Bernhardt,
Selon qu’ils les croient plus idoines
Aux exigences de leur art.
 
Ces travailleurs opiniâtres,
On ne les prendra pas sans vert.
Ah ! nom d’un chien, non ! les théâtres
Ne chômeront pas cet hiver,
 
Si j’en crois la brillante enquête
Instruite par Delilia,
La liste en est assez coquette
De ces ouvrages qu’il y a
 
En chantier. Que de vaudevilles,
De verbe nul, d’art exigu !
De mélos pour sergents de ville,
Atteints de Bouchardysme aigu !
 

Que d’opéras et d’opérettes,
Musique de Victor Roger !
De saynètes et de bluettes !
Rien à boire, nib à manger.
 
Bien qu’il y faille une salive,
Que de Cyranos nonobstant !
Et que d’Aiglons en perspective,
Pour faire la pige à Rostand !
 
Que d’Ibsen traduits ! d’Hauptman ternes !
De Sudermann, on nous promet !
Et de Biornston - Biornsterne,
Cet ennemi de Larroumet !
 
Hélas ! et que - c’est ça qu’est pire -
Nous pend à notre pauvre nez
D’adaptations de Shakespeare
En vers plus ou moins bistournés !
 

Enfin, que de tableaux, que d’actes !
Ce serait à devenir fou,
S’il n’y avait pas des entr’actes
Pour ceux qui veulent boire un coup.
 
 
RAOUL PONCHON

Le Journal
29 juillet 1901

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