13 juil. 2009

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LE PALAIS-ROYAL
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Le Palais-Royal se meurt.
Que pourrait-on en faire ?

 
  
Ce n’est pour personne un mystère
Que ce vase quadrilatère
Ne fut pas toujours ce qu’il est.
Jadis, il ne se révélait
Que par une seule façade
Donnant sur le Louvre maussade.
Ce palais quelque peu banal
Etait dit Palais-Cardinal,
Parce que - s’il faut tout vous dire -
Richelieu l’avait fait construire.
Puis, le trouvant trop laid pour soi,
Il en fit présent à son Roi ;
Mettons vers seize cent quarante,
Anne d’Autriche, alors régente,
Vint l’habiter avec son fils
- La future gloire du Lys, -
A peine sorti de sa coque.
C’est justement à cette époque,
Que ledit Palais-Cardinal
Prit le nom de Palais-Royal.
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Puis, à moins que je ne me blouse,
Vers seize cent soixante-douze,
Il passa chez les Orléans.
Le Régent, roi des mécréants,
En fit alors une manière
De - tranchons le mot - garçonnière…
C’est le cas de le dire. Mais,
Passons. Croyez bien que jamais
Je ne me ferai le rapsode
De cet historique épisode…


En dix-sept cent quatre-vingt-neuf
Ce vieux palais était tout neuf,
Reconstruit après l’incendie
Qui l’avait détruit en partie.
Il devint la propriété
De ce Philippe Égalité
- Encore un assez joyeux drille, -
Le désespoir de sa famille.
Il y fit installer d’abord
Quelques bons tripots de rapport,
Et, de luxe épris et de faste,
Ne le trouvant pas assez vaste,
Il y ajouta notamment
Trois autres corps de bâtiment
- Tels que vous les voyez encore -
Et qu’un jardin central décore.
Ça devint la foire aux potins,
A ces dames… aux libertins…
Entre temps, cependant, Camille
Y prenait déjà la Bastille.



N’insistons pas sur la Terreur,
Le Directoire, l’Empereur…
 
Plus tard, le roi Louis-Philippe
Y fuma sa royale pipe.
Le Palais de nouveau s’accroît.
C’est, en effet, à lui qu’on doit
Cette fameuse galerie
D’Orléans, où des jeunes gens
Véritablement affligeants
Exerçaient leur pâle industrie.
 
*
*... *

 
Enfin, sous Napoléon trois,
Le Palais prévalut, je crois.
Ce n’étaient sous les galeries
Que d’étincelantes féeries ;
Les orfèvres, les joailliers
S’y rencontraient par milliers
Puis, soixante-dix et la guerre !
Leur commerce devint précaire,
Si bien qu’ils s’en furent ailleurs,
En espérant des jours meilleurs.
Hélas !…..................................
.................Mais je vous entends dire :
« Vous en savez bien long, messire,
Sur ce Palais ? » Oui. Mais aussi,
- Je le dois déclarer ici,
La sombre vérité m’y pousse -
J’ai lu tout ça dans le Larousse.


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* ...*

 
Or, aujourd’hui, du Sud au Nord,
Le Palais-Royal est bien mort.
C’est une triste nécropole.
Quelques boutiques, çà et là,
Y vendent une rocambole
Qui mériterait le holà :
Camelotes orientales,
Allemandes, cartes postales…
Que sais-je ? Bref, sachez-le bien,
L’immeuble ne rapporte rien.
L’État ne sait non plus qu’en faire.
 
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*... *



Eh ! mon Dieu ! messieurs, belle affaire !
Rétablissez-y les tripots
De jadis. C’est - n’en doutez mie -
Un placement de tout repos,
Qui le sauve de l’anémie.
Qu’ils soient ailleurs ou soient d’ici,
Les tripots, qu’importe ceci ?
Quand on ne peut tuer le vice,
Autant en tirer bénéfice.
Quand on ne peut pas étouffer
L’incendie, autant s’y chauffer.
 
 
RAOUL PONCHON
le Journal
27 février 1905
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