10 avr. 2009

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CHANSONS A BOIRE
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L’amour m’endort
Mais le vin me réveille encor.

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I

O Soleil sois compatissant,
Fais couler ton généreux sang
Dans les veines de notre vigne,
O Soleil digne !

Ranime ses corps épuisés,
Qu’ils se tordent sous les baisers
Et qu’ils s’écroulent sous les chapes
Des lourdes grappes.


Dore nos superbes coteaux,
Ceux de Bourgogne et de Bordeaux
(Médoc goûté, buvable Beaune)
Et ceux du Rhône.

Couvre aussi de ton pavillon
La Champagne, le Roussillon ;
Parfume la belle Touraine
De ton haleine.

Je n’y veux bâtir un château
Du côté d’Azay le Rideau
Le vin est - des bords de la Loire -
Facile à boire !

Quand je pense au petit Bourgueil
Qu’on y boit j’ai la larme à l’œil,
De joie. Où dons est mon ciboire ?
Garçon, à boire !
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II

Le soleil enfin s’est levé !
Il fait soleil ! tout est sauvé,
Et la vendange sera bonne.
Pendant un long mois, ma mignonne
On a cru qu’il ne viendrait pas.
Comprends-tu la cruelle chose ;
Pas de vin pour ta lèvre rose,
De l’eau claire à tous nos repas.

Comme un lion pour les carnages,
De ta taverne de nuages
Sors ô Soleil, roi du Levant ;
Massacre la pluie et le vent ;
Rends aux vignerons l’espérance,
Gonfle et sucre nos fiers raisins
A la barbe de nos voisins,
Le vin est l’âme de la France.


Déjà l’on voit germer ta fleur
Sous la bienfaisante chaleur
O vigne, des fleurs la première,
Toi d’où nous vient toute lumière.
Tu n’étais hier qu’un vain bois
Bon à jeter au fond de l’âtre,
Mais tu as l’âme opiniâtre,
Ton sang circule, je le vois.


Et vous, très précieux ivrognes
Polonais de plusieurs Polognes,
Vous aurez du vin, - que c’est beau !
Qui coûtera moins cher que l’eau.
Et, suprême et chère victoire,
Malgré vos terribles excès
Dans tout notre pays Français
Les pauvres gens pourront en boire.


III

Il fait soleil sur ma figure :
Je pense que c’est le vin bleu ;
J’en bois énormément… Mon Dieu,
Comme on est bien dans ta nature !

De quoi me plaindrai-je, de quoi ?
Le ciel se hausse quand je passe
Pour que j’aie un peu plus d’espace ;
Le soleil est un zig pour moi.

Ses caresses sont si bénignes !
Il verse avec tant de bonté
Ses rayons sur l’humanité,
Il mûrit de si bonnes vignes,

De si mirifiques houblons
D’où sort - tel le vin de la treille -
La bière écumeuse, pareille
O maîtresse, à tes cheveux blonds !

Les jardins sont si pleins de roses,
Et la campagne a tant d’oiseaux !
Les fontaines et les ruisseaux
Vous parlent si peu de névroses !

Je suis tout à fait dans le cas
D’un peuple qui n’a pas d’histoire,
Heureux - pour ça je n’ai qu’à boire
Quatre bouteilles par repas.

Tout me satisfait et m’enivre
Sous ce dais radieux des cieux :
Vous ne sauriez croire, messieurs,
Combien je suis aise de vivre !



RAOUL PONCHON
le Courrier Français
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