22 mars 2009

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Deux malades bien parisiens
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Un malheur ne vient jamais seul.
C’est ainsi que la fripe
Waldeck s’est fracassé la gueul’
Et que moi j’ai la grippe.

Comment cela nous advint-il ?
Eh bien, par aventure :
Ainsi lui, faisant son persil
Au Bois, dans sa voiture,

Fut bousculé par un tramway.
En faut-il davantage
Pour être mort ?… Et quand à moué,
C’est en faisant un stage

Dans le courant d’air d’un café
Où je ne vais qu’à peine,
Que j’ai cette grippe agrippé.
Là voilà bien ma veine !


Paraît qu’il est malade très.
Et qu’il n’est plus d’équerre.
Encore, lui, je m’en foutrais.
C’est moi qui ne vais guère.



Il faut dire à la vérité
Que c’est bien notre faute.
Et nous aurions bien mérité
D’y laisser une côte.

Pourquoi lorsqu’on a des pieds
Garantis sur facture,
S’aller les faire estropier
Au sein d’une voiture ?

Et dire que ce pottentat
Qui a le désir âcre
De mener le chef de l’État
Ne sait jouer d’un fiacre !

Et moi donc ! innocent fieffé,
Cervelle de limande,
Qu’allais-je faire en un café,
Je te vous le demande ?

Quoi qu’il en soit Waldeck et moi,
Nous n’en menons pas large ;
Mais le pays n’est en émoi
Que pour lui qui émarge.

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Des médecins, chaque matin
D’une plume légère
Vont rédigeant le bulletin
De cette santé chère.

- Le coq a repris de l’ergot.
Hier, le pauvre malade
S’est rincé les dents d’un gigot
Avec force salade. -

Quant à moi, je veux bien crever,
Nul ne s’en inquiète.
Rêve, mon vieux, tu peux rêver
Dedans ton oubliette.

Et cependant on dit que nous
Vivons en République !
Nous vivons, oui, mais à genoux,
En bouffant de la brique.

Vous ne tenez pas à savoir
De mes propres nouvelles ?…
Vous allez pourtant en avoir,
Tant pis, et de plus belles :


Mon pouls va mieux. Ma fièvre aussi.
Hier, pour la Mi-Carême,
J’ai pu m’inviter, Dieu merci !
Chez la beauté que j’aime.

J’ai mangé, de plus, un bifteck
Large comme mes fesses.
Malgré que je sois, ô Waldeck !
La moindre des espèces.


RAOUL PONCHON
Le Courrier Français
09 mars 1902

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