17 mars 2009

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L'Alcool réhabilité
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MM. Atwater * et Benedict * après des expériences successives auxquelles ont été soumis trois hommes valides qui pouvaient avec avantage remplacer tel ou tel des événements composant un régime alimentaire par une ration équivalente d’alcool.
Le Temps


Quand je vous jurais, Madame,
Sur mon âme
Que ce tant maudit Alcool
N’est point la nocive chose
Qu’on suppose
Vous pensiez que j’étais fol ;

Ou bien encore un ivrogne,
Une trogne
De Pologne… pourtant je
Ne croyais pas si bien dire.
Sur ma lyre
Je disais cela par jeu.

J’en illustrais bien ma panse,
Comme on pense,
A tout propos, sans motif…
Mais je n’eusse pu le croire
Sans déboire,
Tellement inoffensif !…

Aujourd’hui, l’épreuve est faite
Et parfaite.
L’alcool n’est pas un poison.
Des docteurs pleins de science,
Sapience,
Me donnent cent fois raison.


Après mainte expérience
Et séance
Sur trois humains alambics
Et autres matières viles,
Ces habiles
Atwater et Bénédict.

Qui nous viennent d’Amérique,
Sont d’avis que
L’alcool est, non seulement
Un breuvage incomparable
Pour mon râble,
Mais encore un aliment !

Et tel, qu’en le cas extrême,
Il peut même
Vous tenir lieu d’un bifteck,
A poids égal de substance
Quelle chance
Pour ceux qu’a le gosier sec !

Ne vous disent pas, ces maîtres,
Se repaître
De tord-boyaux, de trois-six…
D’eau de cuivre… crocomolle…
De pétrole
A nettoyer les fusils.

Mais de cette eau d’excellence,
De Jouvence
Qui vous est un réconfort,
Et qu’eau-de-vie on appelle
Parce qu’elle
Ferait reverdir un mort.


Madame, buvez sans crainte
Et sans feinte,
De cet alcool détesté
Par les sots ignorants, puisque
On ne risque
Rien - vous ait la Faculté.

Mais, du diable ! n’en abuse,
Pauvre buse,
Jusqu’à saturation ;
Car les choses les meilleures
Sont des leurres
En trop grandes rations.

Et dire que, dès nos primes
Mettons : rimes,
A l’âge encore indistinct,
De ce vieil alcool nous fîmes
Nos régimes.
Hein ! ce que c’est que l’instinct.


RAOUL PONCHON
Le Courrier Français

11 janvier 1903
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