2 mars 2009

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A propos d’Henri Becque
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Un de mes bras au moins en tombe :
Quoi ! ce Becque * , un de nos « ténors »,
Non seulement n’a pas de tombe,
Mais on ignore où gît son corps !

Et cela depuis des années
Que ce massacreur des Corbeaux
Est parmi les choses damnées !…
Mais ce n’est pas ça le plus beau.

Le plus beau c’est les camarades
Et les bons amis d’icelui,
Qui, confits en jérémiades,
S’en aperçoivent aujourd’hui

Seulement . « Las ! ce pauvre Becque
- Disent-ils - n’a pas de tombeau,
Tandis que tel ou tel pithèque
Jouit d’un buste et d’un caveau !


« O Gouvernement de zutistes
Et de Chinois de paravent
Qui laisse ses plus purs artistes
Crever la faim de leur vivant ;

« Et comble de désinvolture
Quand ils font ceci : d’être morts,
Leur refuse une sépulture
Digne d’eux, sans plus de remords ! »

*

Hé ! Messieurs ! trop tard le tonnerre !
Comme dit le grand Jupiter.
Votre zèle extraordinaire
Etonnerait Michel Pauper

Lui-même. Et, c’est quand Henri Becque
Sombrait dans l’angoisse et la faim,
Qu’il fallait, à défaut d’un chèque,
Lui donner un morceau de pain.


Vous, ses amis et ses disciples,
Carissimi discipuli,
Qui lui deviez des soins multiples
Pour avoir votre art embelli ;

Vous, dont quelques-uns étaient riches,
Est-ce que vous ne pouviez pas
Partager avec lui vos niches,
Le pain et le sel de vos repas ?

Ne mérite aucune fortune,
Encor que le ciel l’ait permis
Souvent - qui n’a pas une thune
Au service de ses amis.

*


Quant à l’État à qui s’adressent
Vos clameurs, pourquoi voulez-vous
Qui les artistes l’intéressent ?
En vérité, vous êtes fous.

Mon Dieu , que l’État ne s’occupe
Pas plus d’eux ne font de lui,
C’est tout ce que, sans être dupe,
On peut en attendre aujourd’hui.

En les périls les plus extrêmes;
Les artistes auront raison
De ne compter que sur eux-mêmes,
Jusqu’à plus ample crevaison.

Dieu pour tous ! chacun ses idées !
De la sorte, finalement
Les vaches seront bien gardées
Dans les prés du Gouvernement.


Du haut des sphères éternelles
Où il doit sévir, je crois bien
Que l’auteur des Polichinelles
Est de mon avis - oh combien !



RAOUL PONCHON
le Courrier Français
24 janv. 1904

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