20 févr. 2009

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ATTENDRE !
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L’auteur du Chemineau n’est pas content;
on le fait attendre.
Richepin possède un hôtel somptueux…
C’est le théâtre qui lui vaut cette opulence…
Il est devenu un gros personnage qui a
pignon sur rue et des rentes sur l’État, etc, etc.
FORMENTIN
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Il faut, d’ailleurs, être bête
Et naïf comme un poète
Pour soumettre à ces messieurs
Comédiens, quoi qu’on die,
Tragédie ou comédie ;
Être abandonné des cieux.

Oh ! quelle misère dense
De plaire à Son Évidence,
D’admettre qu’il s’y connait
En vers ou prose, d’attendre
Qu’Oie ait fini de comprendre !
Qu’Ane opine du bonnet !

Admettons le tout de même.
Donc, par ce comité blême
Fut reçu note copain.
Pourquoi veux-tu qu’il attende
Son tour, je te le demande ?
Attendre, c’est un… lapin.

Il s’agit bien, mon compère,
Dans cette si simple affaire,
De tour ou de passe droit ;
Qui veut la première place
Des autres ne s’embarrasse ;
Et chacun le peut, le doit.

Il faut tuer l’inertie,
Voilà tout, de Clarétie.
En criant comme un putois.
C’est permis à tout poète,
Sans quoi, l’œuvre la plus chouette
Moisira pendant cent mois.
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Sache qu’à force d’attendre
Résignement, d’un cœur tendre,
Des hivers et des printemps,
Notre cher maître Banville
En cette turne incivile
Attendit pendant sept ans.

Un banquier seul peut attendre,
Quand il jouit d’un pain tendre
Dont il ne voit pas le bout ;
Richepin est un poète
Et tu t’es trompé de tête,
Tu confonds avec Dubout.

Le théâtre l’a fait riche
Notre ami - dis-tu - j’t’fiche.
Hier, il n’avait pas le sou.
Vrai, ton erreur te renverse ;
L’argent ne va qu’au commerce :
Tu confonds avec Sardou.

Apprends donc que sa fortune
Est encore dans la Lune ;
A coup sûr l’on t’en conta.
Sa portion est congrue ;
Il n’a ni pignon sur rue,
Ni des rentes sur l’État.


Il a la maison du sage,
Petite, pas davantage,
Mais pleine de beaux enfants,
Avec aussi quelques poires
D’amis dans deux, trois armoires,
Leurs parrains de temps en temps…


J’ai reconnu, sans bésicles,
Formentin, que ton article…
Etait pour moi fort charmant.
Car pour un ami , mon frère,
Il n’est pas gentil, vraiment.

Pour finir : - si je n’habite
-Comme tu le dis si vite -
Pas de logement coquet,
Cher ami, tu peux m’en croire,
C’est que je préfère boire
L’argent qu’il me coûterait.


RAOUL PONCHON
Le Journal
24 mai 1897
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Charles Formentin était chroniqueur au Siècle et à L’Écho de Paris.
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