2 févr. 2009

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FAUX BILLETS DE BANQUE
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Quelqu’un fit le pari de mettre en vente
de vrais billets de cent francs, au prix de deux sous,
et que personne n’en achèterait.
Il le perdit : On lui en acheta un !
(Journaux)

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Ainsi l’histoire le raconte,
Notre homme perdit son pari,
Puisqu’on lui prit, au bout du compte,
Un billet. Et donc, tout marri,


Il n’insista pas davantage.
Mais voici, quelque temps après,
Qu’il conçut un autre battage,
Afin de rentrer dans ses frais.


Il revint à la même place,
Puis il étala hardiment
De billets bleus une liasse,
Et commença son bonie ment :


- Approchez-vous, messieurs et dames,
Surtout, ouvrez l’œil aux agents…
Ici, point de vaines réclames.
Voilà des talbins, bonnes gens,

« De cent francs, sortant de la presse,
Vous le voyez, ils sont tout frais…
Eh bien, je les vends dix sous pièce.
Je ne puis à moins, j’y perdrais.


« Mais je ne vous prends pas en traître,
Je vous déclare qu’ils sont faux.
Car c’est moi qu les ai vu naître.
Tel est leur principal défaut.

« A part ce détail, rien n’y manque,
Sauf ce petit je ne sais quoi,
Dont le secret reste à la Banque,
Et que je n’avais pas sur moi.


« Remarquez-en bien le tirage.
Il résiste à tout examen.
Pour mener à bien cet ouvrage,
J’ai fait un travail de romain.


« Tiquez aussi sur la gravure,
Qu’Olivier Merson signerait…
Sur le filigrane… je jure
Que tout caissier s’y tromperait.


« Enfin, que la foudre m’écrase !
Messieurs si ces faulins fafiots
Vous ne les passiez, à l’occase,
A, quelques sombres idiots -

« Pour des vrais. Tel est le problème.
Moi qui vous parle, Dieu sait si
L’on m’en a collé des plus blêmes
Poins bien imités que ceux-ci !…


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*... *
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Et je pense que c’est à cette
Forte considération
Que notre homme dut sa recette.
Gens de toute condition,


Et de tout sexe et de tout âge,
Se disputèrent ses papiers,
Et même, à son grand avantage,
Aux enchères les tout derniers.


Si bien que le soir, à la brune,
Mon type avait réalisé
Une manière de fortune,
Tout son stock étant épuisé…


Tant il est vrai que l’âpre foule
- Et cela n’est pas d’aujourd’hui -
Qui n’aime pas que l’on la roule,
Ne craint pas de rouler autrui.



RAOUL PONCHON
le Journal

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