17 janv. 2009

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NU ARTISTIQUE
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La femme reviendrait-elle sur le tapis ?…
Ce n’est pas que j’en souffre.
Il pourrait revenir sur le tapis bien pis.
Oui ! Nom d’un fifre ! ah ! bouffre !

Il semble que jamais autant comme aujourd’hui
Son heure ne fut bonne ;
Que pour toutes le jour de la revanche a lui,
Y comprise ma bonne.

Jamais on ne vit tant de docteurs compétents,
D’éminents féministes
Sur elles s’étaler en récits palpitants,
D’écrivains ni d’artistes.


Ils n’en sont pas encore à leur accorder nos
Excellences morales,
Mais ils conviennent dans maints livres et journaux
De leurs chairs aurorales.

Ils découvrent la femme, enfin ! son gabarit
Et sa beauté plastique
Et celui-ci déclame, et celui-ci barrit
Sur sa nue esthétique.

« Ah ! la femme, le nu ! Le nu, la femme ! il faut
Le dire tôt : la femme,
Par sa perfection corporelle, prévaut
Sur notre sexe infâme… »

Ils tâchent à montrer par plumes et crayons,
Gravures et brochures
Que près d’elles nous ne sommes que des trognons,
Sinon des épluchures…

*
* ...*



Ah ! c’est bien notre avis, bonnes gens. Et depuis
Un déluge quelconque,
C’est une vérité qui sort de son puits
Pour n’y plus rentrer oncque.

Oui - comme dit Donnay dans sa « Lysistrata » *
C’est la forme des formes
Que la femme. Et de Flers et sa
Voluptata *
Sont d’un avis conforme.

J ‘en suis bien sûr aussi. La Palisse le sait
Et le dit sur sa Lyre.
Ce qui me rend rêveur, en l’occurrence, c’est
Quand les gens de délire

Vont étalant de tous regards, à tous propos,
Des nudités infâmes
Soit-disant pour montrer hors de ses oripeaux,
Votre splendeur, ô femmes !


Ah ! ces dessins sans art, sales, stupéfiants,
Et ces photographies
Dites
« pour amateurs », atroces, défiant
Les iconographies !

On se demande où ces Messieurs prennent ces nus
Qu’ils donnent pour modèles ?…
Comment, ces chameaux-là, ces veaux si mal venus,
Ces maigres haridelles, *

Sont pour nous faire voir, sont preuves à l’appui
Combien la femme est belle !
Inutile de la sortir de son étui,
Si vraiment elle est telle.

Mais non. Ces cochons-là, dignes du hart-labour,
Ont pendant des semaines
Dans les foires cherché, qui nous mettent au jour
De pareils phénomènes.


A Paris, mes enfants… mais, le moindre trottin *
Va nous faire la preuve
Qu’elle n’a pas la jambe en forme de Bottin,
Et pour si peu qu’elle pleuve.

Et tenez, sans aller plus loin, il est certain
Que ma petite amie
M’étonne chaque soir comme chaque matin
Par son
« anatomie ».


RAOUL PONCHON
le Courrier Français
31 janv. 1904
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