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LES TABLES DE LA LUNE

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LE PAYS DU MATIN CALME

Selon Raoul, les savants sont dans leur bulle et bien éloignés des choses terrestres, notamment du conflit russo-japonais à propos du Pays du Matin calme, la Corée...

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Vous pouvez bien, à main basse,
O Russes et Japonais
Telle une coque de noix
Vous casser la calebasse.

Tu peux éteindre, ô Japon,
Ta lanterne, et toi, Russie,
Crever comme une vessie ;
Ces Messieurs du bout du pont

Se moquent de l’autre et l’une
Et de vous deux mêmement.
Ils en pincent simplement
Pour les « tables de la Lune ».

O cinq mille fois heureux
Savants ! Quand je les contemple,
Je sens en moi naître une ample
Admiration pour eux.

Quant à ce que signifient
Leurs tables, je n’en sais rien,
Et par surcroît je veux bien
L’ignorer toute ma vie.

Ce qu’en somme je comprends,
C’est qu’aux choses de la terre,
Sans en faire un grand mystère,
Ils restent indifférents.

La Terre les importune,
Que voulez-vous ?… Ses volcans
Ils les trouvent trop fringants ;
Tandis que ceux de la Lune !…

Les duels des nations,
Ne sont pas assez lunaires
Pour le motif ordinaire
De leurs cogitations.


Qu’est-ce que ça peut leur foutre
Ces ignobles branle-bas ?
C’est en haut et non en bas
Qu’il faut regarder - en outre.

L’ours russe n’est rien du tout
A côté de la Grande Ourse ;
Le Japon est une source
De Kakémonos surtout.

Ah ! parlez-leur de la Lune !
Ils en parleront aussi ;
Ils vous diront, Dieu merci !
Que ce n’est pas une prune.

Moyennant cinq mille franc,
Ils en diront davantage,
Et donnez-leur davantage
Ils seront encor plus francs.


O vieux cardeurs de nuages,
Braves savants ! heureux fous !
Je voudrais faire avec vous
Ces lunatiques voyages.

Comme vous avez raison,
Et cinq mille fois, et une
D’aller ainsi sur la Lune,
Vous rouler sur son gazon ;

Sur son gazon, sous ses tables
Ou dans ses pires volcans,
Loin de nos modes de Caen
Et de nos mœurs détestables.

La Lune ! C’est bien cela.
Comme vous je ne vois qu’elle ;
Le reste est de la séquelle,
La Lune est le Walhalla ; *

La Lune avec ou sans palme
Est probablement ainsi
Ce qu’on appelle ici
Le pays du Matin calme.


RAOUL PONCHON
le Courrier Français
10 avril 1904
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