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LORENZACCIO
ou
Contribution à l’étude de Lui et Elle
Apprenant que Musset devait traiter le même sujet, elle déchira son oeuvre… Il n’était point détruit, pourtant, ce Lorenzaccio
Et le hasard l’a fait retrouver par M. de Lovenjoul.
LE TEMPS - Jules Clarétie
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Est-ce donc pour fêter aussi la Mi-carême
Que tu fis un papier maigre comme une brème,
O Clarté (1) ! dans le Temps, ces jours-ci ? Je le crains,
Mais pourquoi te moquer de tes contemporains ?
On lisait en effet, dans cet article austère,
Entre mille propos pâles comme un clystère,
Que cette dame Sand, à l’instar de Musset,
Ayant, à sa façon qui jadis ravissait,
Fait un Lorenzaccio, l’avait détruit… tout comme -
Afin que tout l’honneur en revint à son homme ;
Et puis, qu’un peu plus tard - c’est cela le plus beau -
Ce Lorenzaccio qu’on croyait au tombeau,
A jamais aboli, fini hors de mémoire…
Fut retrouvé caché dans le sein d’une armoire,
Par un certain seigneur Spoelberg de Lovenjoul,
Un paperassier fureteur et maboul !
J’ai toujours admiré de pareils sacrifices.
Ils sont tout vanité comme tous bénéfices.
Vous faites un mauvais roman, de mauvais vers…
Ils semblent hasardeux, vous les trouvez trop verts :
A qui bon - dites-vous - publier ces niaises
Elucubrations, ces ineptes fadaises ?
Et, d’un geste royal, fastueux, un matin,
Vous le jetez au feu, mais le feu est éteint.
Vous verrez aussi bien un tel qui sacrifie
Un manuscrit, dont il a la photographie ;
Tel autre va te le découper aux ciseaux
Mais en ne collera sur-le-champ les morceaux…
Doncques, ô Clarétie innombrable, quand Georges
Enterre son papier, tu prétends qu’elle égorge
Sur l’Autel de l’Amour, sa vanité d’auteur ?
Je dis qu’elle ne fut jamais à la hauteur
De la situation. Car, sans autre artifice,
S’elle avait tant que ça l’esprit de sacrifice,
Elle pouvait flanquer son Lorenzaccio
Dans sa poubelle, à tout jamais, caromio.
Elle se fut montrée, en cela, désireuse
De faire triompher sur l’auteur l’amoureuse.
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Au lieu de ça, que fit la reine des bas-bleus ?
Sachant que son ami, poète fabuleux,
Lorenzaccio sait sur le sien domaine, elle
Déposa dans un coin sa lyre fraternelle,
Songeant : si son papier ne marche pas très bien ;
Il sera toujours temps de reprendre le mien.
Telle est - en admettant que j’en parle à mon aise -
La pensée iroquoise ou russo-japonaise
Qui dut venir à notre auteur féru d’amour.
Il est, même étonnant, qu’en attendant son tour,
Elle n’ait pas légué, pour la race future,
A nos Carnavalets la susdite écriture…
J’eusse aimé voir ce Lorenzaccio tapi,
O Jules ! entre la tunique et ton képi !
Vanité ! Vanité ! Comme vous vanitâtes
Toujours chez le poète et le marchand de dattes !
Je te demande à toi, Claréty, le premier :
As-tu jamais jeté des papiers au fumier ?…
Non, n’est-ce pas ? Et tout ce qui sort de ta plume
Doit nécessairement aboutir en volume.
Ah ! qui dira jamais le secret des tiroirs
Où tel barde s’admire ainsi qu’en des miroirs !
Les œuvres que l’on perd sans cesse retrouvées !
Les rimes de vingt ans a quarante rêvées !
Les poèmes soigneusement appris par cœur,
Avant que d’appeler sur eux l’oubli vainqueur !
Et toi-même, ô Clarté ! je frémis quand j’y songe -
(Et que faire, à l’instant, à moins que je n’y songe)
Je frémis - dis-je - quand je pense aux manuscrits
Que tu as, m’est avis, depuis longtemps détruits,
Et qui plus tard, hélas ! séviront sur Paris !
RAOUL PONCHON
le Courrier Français
20 mars 1904
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(1) Clarté est là pour Clarétie
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Lorenzaccio - Gérard Philippe
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