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O CRUX, SPES UNICA
.O CRUX, SPES UNICA
MM. Charles Bernard et Chiché ont déposé un projet de loi ainsi conçu :
« Toutes les décorations civiles sont et demeurent supprimées. »
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Voyons, Chiché, voyons, Bernard
Dites-nous que c’est un canard…
Vouloir supprimer dans nos villes
Les décorations civiles !
Voyons Bernard, voyons Chichi,
Y avez-vous bien réfléchi ?
Que si votre projet absurde
Aboutit jamais, soyez sûr de
Donner de terribles accès
Aux trois quarts, au moins, des Français.
Plus de croix civiles, bourreaux,
Plus de palmes ni de poireaux !
Plus de croix pour les journalistes,
Les fumistes et les artistes !
Et nos principaux couturiers,
Nos immenses confituriers !
Vous n’y pensez pas, je vous dis :
Vous n’êtes pas d’ici, bandits.
Un Français non décoré, traîtres,
N’a que très peu de raison d’être.
Sachez que tous nos Delacroix
Ne travaillent que pour la croix.
Vous demandez que nos Détailles
Gagnent la leur dans les batailles
Et non plus rien qu’en les peignant ?…
Allez donc vous asseoir, feignants.
Moi-même, qui, depuis l’école,
Aspire au Mérite Agricole,
Me faudrait faire, pour l’avoir,
Dans les combats mon sang pleuvoir !
Quoi ! Je devrais risquer mon râble
Si je veux être décorable ?
Et ne le serait plus Paquin
Sous prétexte qu’il est « pékin ».
Parbleu ! Vous nous la foutez belle
O législateurs sans cervelle !
Et, comment reconnaîtrez-vous,
D’abord, les plus purs d’entre nous,
Si vous ôtez de leurs redingues
Cette étoile qui les distingue ?
Quoi signalera nos Rembrandt
Et nos marchands du meilleur bran ?
Et quel intérêt à bien faire
Auront-ils, chacun dans sa sphère,
S’ils n’ont plus ce bout de ruban
A leur boutonnière flambant ?
C’est le gâchis, c’est l’anarchie,
Vous dis-je, la France avachie,
C’est un appel à l’étranger,
La ruine - il faut y songer -
Du commerce et de l’industrie,
Un crime de lèse-patrie
Que vous rêvez tout bonnement,
Chichi-Bernard, en supprimant
Les décorations civiles.
Faut-il que nos âmes soient viles !
RAOUL PONCHON
le Courrier Français
16 mars 1902
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« Toutes les décorations civiles sont et demeurent supprimées. »
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Voyons, Chiché, voyons, Bernard
Dites-nous que c’est un canard…
Vouloir supprimer dans nos villes
Les décorations civiles !
Voyons Bernard, voyons Chichi,
Y avez-vous bien réfléchi ?
Que si votre projet absurde
Aboutit jamais, soyez sûr de
Donner de terribles accès
Aux trois quarts, au moins, des Français.
Plus de croix civiles, bourreaux,
Plus de palmes ni de poireaux !
Plus de croix pour les journalistes,
Les fumistes et les artistes !
Et nos principaux couturiers,
Nos immenses confituriers !
Vous n’y pensez pas, je vous dis :
Vous n’êtes pas d’ici, bandits.
Un Français non décoré, traîtres,
N’a que très peu de raison d’être.
Sachez que tous nos Delacroix
Ne travaillent que pour la croix.
Vous demandez que nos Détailles
Gagnent la leur dans les batailles
Et non plus rien qu’en les peignant ?…
Allez donc vous asseoir, feignants.
Moi-même, qui, depuis l’école,
Aspire au Mérite Agricole,
Me faudrait faire, pour l’avoir,
Dans les combats mon sang pleuvoir !
Quoi ! Je devrais risquer mon râble
Si je veux être décorable ?
Et ne le serait plus Paquin
Sous prétexte qu’il est « pékin ».
Parbleu ! Vous nous la foutez belle
O législateurs sans cervelle !
Et, comment reconnaîtrez-vous,
D’abord, les plus purs d’entre nous,
Si vous ôtez de leurs redingues
Cette étoile qui les distingue ?
Quoi signalera nos Rembrandt
Et nos marchands du meilleur bran ?
Et quel intérêt à bien faire
Auront-ils, chacun dans sa sphère,
S’ils n’ont plus ce bout de ruban
A leur boutonnière flambant ?
C’est le gâchis, c’est l’anarchie,
Vous dis-je, la France avachie,
C’est un appel à l’étranger,
La ruine - il faut y songer -
Du commerce et de l’industrie,
Un crime de lèse-patrie
Que vous rêvez tout bonnement,
Chichi-Bernard, en supprimant
Les décorations civiles.
Faut-il que nos âmes soient viles !
RAOUL PONCHON
le Courrier Français
16 mars 1902
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