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ENFANTS PRODIGES
.ENFANTS PRODIGES
Que d’enfants furent prodiges
En France, sans me compter !
C’est à donner des vertiges
A nos amis d’à côté.
Quel est le Nordau qui crie *
- En son zèle de Teuton, -
Faillite sur ma patrie,
Devant un tel peloton ?
Au début de la semaine,
Encor que je nommai
Beaucoup de ces phénomènes,
Tant d’autres ont réclamé,
Qu’il faut faire une seconde
Cueillette, dans ce gratin ;
Quant à citer tout le monde…
Il y faudrait le Bottin.
* ...*
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C’est Sardou l’homme-théâtre
A trois ans, sachant par cœur
Tout son Lazare le pâtre,
Son Gaspardo le pêcheur ;
C’est Dorchain, tétant encore,
Qui Sully-Prudhommait ; c’est
Jean Rameau venant d’éclore
Sanglotant sur un Musset.
Coquelin Cadet lui-même
Ne s’arrivait qu’au genou,
Qu’il résolvait le problème
De dérater sa nounou.
Dès leur âge le plus tendre
Botrel bardait. Lebaudy
Etait presque un Alexandre,
Aicard, déjà du Midi !
Et ce n’est pas - veuillez croire,
Dans le seul cercle de l’Art,
Qu ‘en ce pays péremptoire,
L’enfant se montre flambard ;
Car le génie aussi perce
Chez ceux-là dont le destin
Est de faire du commerce,
Et cela de très matin.
Ainsi donc je me figure
Que Pottin étant moutard,
En mangeant des confitures,
Rêvait d’en vendre plus tard ;
Pernod fils poussait sa plainte ,
En suçant son biberon ;
« Ah ! Si c’était de l’absinthe,
- Disait-il - dans un litron ! »
Zan inventa sa réglisse,
En observant les tétons
De sa négresse nourrice,
Qu’il mit plus tard en bâtons.
C’est en voyant ceux plus maigres
De la sienne, que Duval
Rêva, pour nous autres nègres,
Son bouillon municipal.
A l’âge où l’on joue aux billes,
Les Doucet et les Paquin
Faisaient poser leur familles
Pour de fut ires mannequins…
Ainsi de suite, et de suite…
Vous voyez bien, mes amis,
Qu’in est loin d’une faillite.
Le doute n’est pas permis.
RAOUL PONCHON
le Courrier Français
27 mars 1904
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