28 déc. 2008

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SARCEY TRIANGLE
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« … Tous ces chapeaux ont disparu comme le chapeau chinois de la garde nationale dont j’ai conservé le souvenir le plus flamboyant, moi qui ai eu l’honneur d’être triangle dans une des musiques de cette institution. » FRANCISQUE SARCEY (Echo de Paris, 15 septembre)

Ah ! que plus il déraisonne
Et foisonne
Notre oncle devient verveux !
Que Dieu longtemps nous conserve
Cette verve !
C’est le plus cher de nos vœux.

Hier, nous trouvant à sa table
Confortable
- Son ventre est là qui le dit, -
Entre mille choses belles,
Éternelles,
Voici ce qu’il nous sortit :

Quoi qu’un peuple vain en pense
Par ma panse,
Je n’ai pas toujours été
Un maître de la chronique.
La musique
Tout d’abord m’avait tenté.


« Oui j’ai joué du triangle,
Dieu m’étrangle
Si je vous mens, mes chéris ;
Et chose particulière,
Singulière,
Sans avoir jamais appris.

« Je sais…, vous allez sourire
Et me dire :
- Il suffit de faire toc
Sur un fer triangulaire.
Belle affaire !
Avec un bâton ad hoc :

« Çà n’est pas bien difficile
L’imbécile
De naissance doit savoir. » -
« - Difficile ! Non sans doute ;
Somme toute
Je voudrais bien vous y voir.

« Ah ! tu crois, âme candide,
Qu’il suffit de
Faire toc comme je fais
De ce couteau sur ce verre
Oh ! ma mère !
On aurait de beaux effets !

« Un orchestre se compose
Je suppose
D’un tas d’instruments divers
Voyez vous que l’on les frappe,
L’on les tape
Sans règle, à tort à travers ?…

« Il y a des saxophones,
Des trombones
Des bugles et des pistons,
Clarinettes et cymbales,
Des timbales,
Des flûtes et des bassons…

Tu tu tu, tra la la laire
La la laire
Zim bou boum et zim boum boum
Ra ta plan, clingn’ cling’ tarare
Tantarare,
Tinn tinn tinn poupa ta poum .

Ici Sarcey, après avoir imité l’homme orchestre
s’éponge et reprend :

« Tous ces instruments se fondent
Se répondent
En un bruit des plus heureux
Cela fait une harmonie
Infinie
Quand ils s’accordent entr’eux..

« Et bien, on joue en mesure
Je vous jure,
Du triangle comme du
Reste, sans quoi la musique
Symphonique
Ce serait du bruit perdu.

« La difficulté consiste
Pour l’artiste
A ne pas jouer trop fort.
Et toutefois sans faiblesse ;
Sans mollesse
De même que sans effort

« Si le triangle domine
Prédomine
Ça n’est pas rigolo ;
Il marche avec la cymbale
Et s’emballe
Seulement dans un solo.


« J’en jouais donc à merveille :
- J’ai l’oreille -
Çà n’est pas pour me louer,
Mais je crois qu’à notre époque
On en toque
On ne sait plus en jouer.

« Pourtant je n’en jouais guère
- Vint la guerre…
Et d’ailleurs, au bout d’un mois
Que je savais mon triangle
Dans chaque angle
Je passais chapeau-chinois. »


RAOUL PONCHON
le Courrier français
07 oct. 1894

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