29 nov. 2008

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Hercule aux pieds d’Omphale
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Lorsque aux pieds d’Omphale filait *
Ce gros paquet d’Hercule,
Il devait être, en ce rôlet,
Quelque peu ridicule.


Mais que voulez-vous, il l’aimait.
On est tel quand on aime.
Et donc ce héros s’estimait
Fort heureux tout de même.

Or, un jour, ironiquement :
- Laisse-là ta quenouille,
Lui dit-elle, pour le moment,
Mon pauvre niquedouille ;

« Et conte-moi de tes travaux,
Dont chacun est notoire,
Celui duquel tu te prévaux,
Et le plus méritoire.


- Eh bien, ma chère enfant, voici :
Si ma mémoire est sûre,
Justement dans ce pays-ci
Je cherchais aventure,

« C’est-à-dire un monstre à tuer,
Je n’en fais pas mystère,
Car c’est là, je dois l’avouer,
Ma fonction sur terre…

« Lorsque je fis venir à moi
Une femme, une reine,
Qui me mit dans un tel émoi
Par sa beauté sereine.

« Que je sentis tout aussitôt
Ma volonté réduite ;
Et moi, qui suis pourtant costaud
J’allais prendre la fuite.

« Mais elle, sans autre détour,
Voulut bien me permettre
De lui venir faire la cour
Et de la mieux connaître

« Hélas ! sans que de mon amour
Du tout elle s’émeuve,
Elle m’imposa chaque jour
Une stupide épreuve.


« Et je me pliais, pauvre chien
A son moindre caprice
Et n’en obtenais jamais rien,
Quelque effort que je fisse.


« J’aurais pu, par les Dieux témoins !
La soumettre d’emblée,
Ou te lui flanquer, tout au moins
Une bonne raclée…

« Et, tu sais… je ne l’ai pas fait.
Il serait excentrique
De battre une femme, en effet,
Même avec une trique.


«C’est le plus dur exploit, vois-tu,
De toute ma carrière.
Il m’y fallut une vertu
Qui ne m’est coutumière…

Hercule, par ce boniment,
Conquit son… auditoire.
Il ne fila plus avant
Ce jour-là - dit l’Histoire.


Voire même, au bout de neuf mois,
Il était l’heureux père
D’un gros garçon pesant dix fois
L’enfant le plus prospère.

*
*... *



Ce peuple qu’on dit souverain,
Qui sous le joug ahane,
Depuis toujours rongeant son frein
Aux pieds de Marianne,

Dont il n’a jamais tiré rien
Que promesse verbale
Représente Hercule assez bien
Filant aux pieds d’Omphale.


RAOUL PONCHON
Le Journal
01 juin 1914

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