17 nov. 2008

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LIVRE JAUNE et LIVRE BLANC
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Avant Algésiras *
Hélas !
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Je respectais comme une icône,
Ce mémorable Livre Jaune
Sur la question du Maroc,
Question jusqu’alors obscure,
Dont, au surplus, je n’avais cure
Comme d’un tas d’autres , en bloc.

Ce livre que j’avais cru vide,
M’apparaissait clair et limpide
Et d’un intérêt capital.
Sur un sujet des plus moroses
Ce n’étaient que lys et que roses
Selon le mode oriental.

Sur la chose diplomatique
Notamment - dont je me pique -
Il m’éclairait, tel un flambeau.
Enfin, puisqu’il faut tout vous dire,
Certainement, depuis l’Empire,
Je n’avais rien de plus beau.

Aussi, ce livre profitable,
Je le lisais, sans cesse, à table,
En promenade et dans mon lit.
Et j’eusse bien gagé ma tête
Que j’avais la vision nette
Du susdit marocain conflit.


Hélas ! Un livre d’autre chrome
Nous arriva de chez Guillaume,
Bien fait pour le nôtre berner
Avec son propre dithyrambe,
Et lui donner du croc-en-jambe,
Et lui faire du pied-de-nez.

Lequel est le plus véridique ?
Puisqu’ainsi que leur nom l’indique,
L’un dit jaune et l’autre dit blanc,
Seigneur, auquel faut-il entendre ?
Car le mauvais j’irai le vendre,
Et je garderai l’excellent.

Au fond, moi, qu’inspire Minerve,
J’ai mon avis que je réserve,
- Si vous voulez mon sentiment. -
Je vous dirai ce qu’en vaut l’aune
- Du Livre Blanc, du Livre Jaune…
Mais à quoi bon ? Dans un moment,

Le Congrès algésiratoire
Va vous rédiger, péremptoire,
Quelque bon troisième bouquin.
Nous saurons une fois pour toutes
A quoi nous en tenir, sans doute,
Sur ce chamaillis marocain.

*
* ...*
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Oh ! ce n’est là qu’une hypothèse !
Mais voyez la belle foutaise !
- C’est là que j’en voulais venir -
Si, sur de l’histoire récente
Bien mieux, de l’histoire présente,
Ces messieurs ne peuvent fournir

Un identique témoignage,
Quel esprit fort, quel esprit sage
Peut se vanter d’être fixé
Sur celle autrefois accomplie,
A tout jamais ensevelie
Dans les ténèbres du passé ?


RAOUL PONCHON
Le Journal
22 janv. 1906

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