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LE CONGRES DES POETES

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Nous vons dans quelque temps
Le Congrès des poètes :
Bientôt, nos Hugos débutants,
Nos consacrés Goèthes,

Arriveront de tous côtés,
Banlieue et province
Apporter leurs civilités
A Léon Dierx, leur prince. *

Je le vois déjà, radieux,
Présidant la chambrée,
Et sirotant le vin des Dieux
En guise d’eau sucrée.

Classiques, décadents, lyreurs,
Abstracteurs de symboles,
Je vous entends d’ici, terreurs
De vos bibliopoles ;

J’entends de notre Moréas
Résonner l’octocorde ;
Moréas qui voit l’Eurotas *
Au pont de la Concorde ;


J’entends Mendès donner le « la »
Sur ce cor Hernanique,
J’entends du preux Hérédia
Le buccin héroïque ;

Puis, c’est le piano de Sully,
La flûte de Coppée,
C’est Theuriet du Bois-Joli
Chantant sa mélopée ;

C’est Rollinat, épris de nuit,
C’est le bouillant Tailhade
Qui fait à lui seul plus de bruit
Que toute une pléiade ;

C’est le doux Régnier, c’est Rostand,
Qui, sur sa lyre sûre,
Joue à merveille, nonobstant
Qu’il saute des mesures…

J’en passe… Dieu ! quel bacchanal !
J’oubliais notre barde
Sympathique et national,
Leygues et sa guimbarde.

*
* ...*

Maintenant, je demanderai
A de plus fortes têtes
Que la mienne : Dans ce Congrès,
Que feront les poètes ?

Ils ne se réunissent pas
Pour faire des musiques ?…
Ce serait fuir de ce pas
Dans les deux Amériques.

Sur quoi vont-ils s’évertuer,
Exercer leur loquèle ?…
Vont-ils simplement conspuer
Les Lemerre et Fasquelle ?

Vont-ils en chœur modifier
Tes lois, ô Prosodie ?…
Déclarer qu’au sixième pied
Césure est maladie…

Ou bien décréter au galop
Le vers libre - oh ! que libre ! -
Ou la rime riche - que trop ! -
Où nulle âme ne vibre ?

Mon Dieu ! chacun a sa façon
De biscotter la Muse ;
Que chacun chante sa chanson,
Pourvu qu’il n’en abuse.

Ils décideront, puis après,
Que Pégase n’est qu’hongre ?…
Enfin, que faire en un congrès,
A moins que l’on y congre ?…

Pour moi, ces bardes triomphants
Echangeront, macabres,
Des vers de treize pieds, avant
La fin de leur palabre.

Ce sera la tour de Babel,
O Fasquelle ! ô Lemerre !
Mais le spectacle sera bel.
Et ceux-là qui, j’espère,

Suivront ces débats puérils,
- Et je le leur conseille, -
Ne s’ennuîront pas, surtout s’ils
Sont un peu durs d’oreille.


RAOUL PONCHON
le Journal
20mai 1901
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