14 oct. 2008

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ENQUÊTES
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C’est inouï comme chez nous
On coupe dans les interviews,
Enquêtes ou questionnaires :
C’est pour vous étonner d’abord,
Car enfin, ce genre de sport
Est des plus extraordinaires.

Cependant, il me semble bien
- Après tout, je n’en sais trop rien -
Que l’interview passe de mode,
Ou sévit moins qu’en le passé…
Ou parait plus intéressé
Par l’enquête - autrement commode.

Certe, un excellent reporter
Peut obtenir de quelque auteur
Une interview facile et preste.
Encor doit-il la rédiger,
Et cela n’est pas sans danger,
Car souvent notre auteur proteste.

« Vous n’avez rien compris, dit-il,
A mon résonnement subtil ;
Vous n’êtes qu’un vieux troglodyte !
Est-ce comme ça qu’on écrit ?
Vous avez traduit en sanscrit
Les belles choses que j’ai dites… »



Dons, une interview, il s’en faut,
N’est pas toujours de tout repos ;
Et je dis qu’une simple enquête
Est pour l’enquêteur tout profit,
Un bout de papier lui suffit,
Sans qu’il se mette plus en quête.

Que s’il demande à « qui-de-droit »
Ce qu’il pense du chaud , du froid…
De mademoiselle Polaire
Et de son anneau dans le nez,
Des cubistes hallucinés
Du balkanisme séculaire…

N’importe. Les trois quarts du temps,
Comme il est en tout compétent,
Qui-de-droit répondra sur l’heure,
En cette occasion, laissant
Un travail plus pressant,
Et de son encre la meilleure.

Même il est de ces enquêtes,
Je dirai de ces agités,
Qui se rabotent la cervelle
Pour en tirer quelques copeaux,
Si j’ose ?… soit de fins propos
Où leur maîtrise se révèle.


C’est donc pour vous, les enquêteurs,
Une mine que ces auteurs.
A quoi sert que l’on se démanche ?
Faites appel à leur concours.
Comme ça vous aurez toujours
Un tas de « papiers » sur la planche ;

Puisque ces messieurs aussi bien
Vous donnent ces papiers pour rien,
Illustrés de leurs patarafes
C’est ça qui est beau, sans compter
Qu’ainsi vous pouvez augmenter
Vos collections d’autographes !


RAOUL PONCHON
le Journal
11 août 1913
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