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L’ECOLE DU JOURNALISME
.L’ECOLE DU JOURNALISME
Dans une correspondance,
Non sans quelque complaisance,
Un certain original
Me demande la recette
Pour parfaire une gazette
Ou tel papier de journal…
Je pourrais dire au bonhomme
Qu’il devrait connaître, en somme,
Des esprits plus réfléchis
Que le mien, emmi la Presse,
Par conséquent, qu’il s’adresse
A ces grands mamamouchis.
Mais, puisqu’il a confiance
A la mienne sapience,
Ce dont je lui sais fort gré,
Je veux bien racler ma lyre
Pour lui complaire, et lui dire
Ce que j’estime le vrai :
Prends ta plume de Tolède,
D’abord ; puis, appelle à l’aide
Notre Dame du Sujet.
Bien que pour d’aucuns compères
Le sujet, en ces affaires,
Ne soit pas le prime objet.
Mais, le sujet ne te manque.
De plus, l’ami, tourne, avant que
De barbouiller ton papier
Et commence ta harangue,
Ta plume, sinon ta langue,
Sept fois dans ton encrier.
Alors, vas-y, calme et digne.
Tu peux tirer à la ligne,
Quand te sourit Apollon.
Que si tu n’as rien à dire,
Tu peux remiser ta lyre,
Ce sera toujours trop long.
Quelle que soit ta rubrique,
De sincérité te pique.
Elle relève d’autant
La phrase la mieux hennie.
Tâche d’avoir du génie,
Si tu n’as pas de talent .
Surveille ton orthographe ;
N’écris pas le mot : girafe,
Comme Leygues, par un « phi ».
Choisis un vocabulaire
Qui ne soit pas de galère ;
Et de l’injure fais fi.
N’abîme pas un confrère
Sous ta logique arbitraire,
Sois généreux, n’assouvis
Pas ta haine, sur ton texte
Sous le puéril prétexte
Qu’il n’est pas de ton avis.
Ne te montre pas rebelle
Aux tentatives nouvelles :
Tu ne fus pas toujours vieux.
Et surtout ne sois pas rosse,
Hirsute comme une brosse,
Aux jeunes audacieux.
N’exerce ta répugnance
Que sur ceux pris de démence
Ayant la haine du Beau ;
C’est d’eux, et non pas de Chine,
- Comme un peuple l’imagine -
D’où nous vient tout le bobo.
Il est tels de ces pontifes
Entièrement bec et griffes,
Criant sur toute œuvre : hélas !
A la façon prophétique,
Qui n’ont appris l’esthétique
Qu’à l’école de Mazas.
D’autres, et c’est ça qui navre,
Ne cherchent que le cadavre…
Mais, rosse, avant de prêcher
Sur tes voisins l’anathème,
Demande toi si toi-même
N’as rien à te reprocher…
Pour finir, passe à la caisse,
Y toucher la somme épaisse :
Il faut bien vivre, après tout.
Tu la toucheras, sans doute,
On rencontre, somme toute,
Des honnêtes gens partout.
Ici, mon cher camarade,
Je termine ma tirade.
Voilà bien, grosso modo,
Cette recette champêtre
Que vous désiriez connaître,
Et dont je vous fais cadeau.
« Mais, - me diras-tu, - toi-même,
Espèce de Nicodème,
Et tels autres, tes copains,
Vous ne tenez aucuns comptes
De ce que tu me racontes ;
Vous n’êtes pas si rupins… »
C’est justement là la cause,
Puisqu’aussi bien l’on en cause,
Pourquoi l’on vient de créer
L’École du Journalisme,
Qui, dans tout rigorisme,
Nous apprendra le métier.
RAOUL PONCHON
Le Journal
19 nov. 1900
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1 commentaire:
Toujours étonnant de rythme et d'invention. J'adore ce Ponchon décidément. Votre blog est magnifique de constance et je comprends pourquoi. une vraie drogue ! Magnifique
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