3 oct. 2008

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TUMULTE SUR LA CIMAISE
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Ainsi que les héros d’Homère,
Quand les Maillart et les Comerre
Se furent épuisés en maints
Défis et maintes radotailles,
Poussés par le Dieu des batailles,
Ils durent en venir aux mains.

Disons, pour les futurs Saumaises,
Qu’une question de cimaises,
Et du tout le souci de l’Art,
Avait divisé nos artistes ;
Car, pour l’Art, tous ces arrivistes,
Beau temps qu’ils ont mis au rancart.

On vit prendre part à la lutte
Tous ceux de la « Grande Institute »,
Les médaillés, les hors concours
Et les mentions honorables,
Sans compter le tas d’incurables
Qui ne peignent que dans les cours.

La rencontre fut chaude, bigre !
Il y avait dans l’air du tigre.
Comme on chanterait votre lois,
Messieurs, si moins ivres de rage,
Vous dépensiez tout ce courage
A faire de meilleurs tableaux.


Muse, redis-moi les prouesses
De ces vieillards, de ces jeunesses
Que voilà tantôt confondus ;
Mais à peine si tu décernes
Les classiques et les modernes,
Les chevelus et les tondus.

Ici, des intentionnistes
Contre des fumédepipistes
Se ruent, ainsi que des requins,
Avec des couteaux à palettes
Et des chevalets à roulettes,
Des brosses et des mannequins.

Les tubes giclent, l’ocre coule,
Le cobalt et le vert ciboule
A la laque vont se mêlant…
Bientôt s’épanouit la flore
Du carnage multicolore :
C’est magnifique et désolant.


Là, c’est de vivantes cohortes
Devenir des natures mortes.
Plus loin, c’est le duc de Vuillefroy,
Vieux vétéran de Louis treize,
Qui, tout le long de sa cimaise,
Caracole sur un veau froid…

C’est Robert-Fleury qui provoque
Tattegrain, en fait une loque
Innomable… c’est Bouguereau
Que Vénus protège, impavide,
Qui porte à Constant, dans le vide,
De terribles coups de blaireau.

Et puis, ce sont les prix de Rome…
Ceux de Jullian qu’on renomme
Pour n’être pas les moins braillards,
Que la légion étrangère,
Non plus brave, mais plus légère,
Disperse au sein de ses brouillards.

C’est encore Henner, l’Alzaboche,
Que Jean-Paul Laurens vous embroche…
C’est Bonnat qui, sur des hauteurs,
Sans crainte d’attraper un rhume,
Verse des torrents de bitume
Sue ses obscurs blasphémateurs…


De quel côté fut la victoire ?
On ne sait pas. Dans la nuit noire,
Enfin, la lutte s’assoupit.
J’espère, pour la galerie,
Pour le Tsar et pour la Patrie,
Que ce n’est qu’un léger répit.

Dire, pourtant, qu’à la même heure,
Un homme en qui le feu demeure
Sacré - c’est Carolus pas « moinss » -
Ici, messieurs, qu’on se découvre,
Etait dans les salles du Louvre
A sangloter sur les Rubens !



RAOUL PONCHON
Le Journal
14 janv. 1901

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