29 sept. 2008

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LA PARISIENNE
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Expo 1900 : L'arc qui s'ouvre sur la place de la Concorde est surmonté d'une statue de M. Moreau-Vauthier : la Parisienne.
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Si Vauthier m’avait donné
Sa Parisienne,
Et qu’il me fallût quitter
Ma petite mienne,
Je dirais à ce Vauthier :
« Garde ta dame, ô sculptier ! »
J’aime mieux la mienne,
O gué !
J’aime mieux la mienne.

Mon Dieu, je ne voyais pas
La Parisienne
Sous ce singulier compas,
Faut que j’en convienne.
C’est moi qui doit avoir tort,
J’en veux bien tomber d’accord ;
Qu’à cela ne tienne,
O gué !
Qu’à cela ne tienne.

On ne sait pour quel motif
Cette renchérie
A cet air rébarbatif
Qu’elle vous dédie.
Pourquoi ce sombre regard ?
Est-ce pour Dieu, pour le Tsar
Ou pour la patrie,
O gué !
Ou pour la patrie ?


Ma Parisienne à moi,
Sans être fringuée
Comme une fille de roi,
Est bien moins guindée,
Et qu’il fasse chaud ou froid,
Elle vous dit : Ainsi soit.
Elle est toujours gaie,
O gué !
Elle est toujours gaie.

La Parisienne à Moreau
S’habille à la mode,
S’enterre dans un manteau
Que Paquin lui brode ; *
La mienne, vous pensez bien,
Se fait la belle avec un rien ;
C’est bien plus commode,
O gué !
C’est bien plus commode.

La Parisienne à Vauthier
A vingt pieds six pouces ;
C’est trop grand de la moitié…
Encore elle pousse !
Elle montre des tétons
Qui ont un double menton
Et vous éclaboussent,
O gué !
Et vous éclaboussent.


La mienne est comme il convient,
De petite taille ;
Elle a du galbe, ô combien !
Et deux nichonailles
Non d’ici jusqu’à demain,
Mais qui tiennent dans mes mains
Ainsi que deux cailles,
O gué !
Ainsi que deux cailles.


Que pourrais-je dire encor,
Parlant sans feintise,
De sa dame bleue et or ?…
Qu’elle vous défrise
Et vous jette comme un froid.
J'aime mieux la mienne à moi,
Même sans chemise,
O gué !
Même sans chemise.



RAOUL PONCHON
Le Journal
30 avril 1900
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