.
.
.
LA BANDE DES "COLLECTIONNEURS"
.
Jamais autant qu’en ce mois d’août,
Ou ce doux mois, à votre goût,
Ces messieurs les cambrioleurs,
Alias « collectionneurs »,
N’ont fait d’aussi bonnes recettes.
Il faut dire qu’ils ont beau jeu,
Que la saison s’y prête un peu,
Quand Paris boucle sa valise ;
Il faut aussi spécifier
Qu’ils acquièrent dans le métier
De jour en jour plus de maîtrise.
Qui Diable s’en étonnerait ?
Quand on voit partout le progrès,
Pourquoi voulez-vous que le crime
Ne progresse pas aussi, lui,
Soit stationnaire aujourd’ hui ?
Ça n’aurait ni raison, ni rime.
*
*... *
Et la police sévit où ?
Mon Dieu ! La police après tout
Fait tout ce dont elle est capable ;
Mais pour arrêter ces voleurs,
Qui sont plus nombreux que les fleurs,
Il la faudrait donc innombrable.
Vous pouvez dire, à priori,
Dix de ratés pour un de pris.
Afin d’en purger la contrée,
Chaque agent devrait, monstrueux,
Posséder, comme Argus, cent yeux, *
Et cent bras, comme Briarée.
*
* ...*
Parfois, un de nos scélérats,
Dont l’épiderme est un peu gras,
Laissa l’empreinte de son pouce
Sur un meuble, sur un objet
Quelconque, alors qu’il saccageait…
Bertillon vient à la rescousse. *
Bonne affaire ! Il met à profit
Cette empreinte qui lui suffit
Pour identifier son homme.
Il vous dira pour le moment,
La couleur de son vêtement…
Son âge… et comment il se nomme ;
Cela sans jamais dévier,
En tout pareil à ces Cuvier *
A l’imagination prompte,
Qui ne demandent , au total,
Qu’une simple dent de cheval,
Pour reconstruire un mastodonte.
Mais las ! Depuis que les voleurs
Se sont fait collectionneurs,
Il n’ont plus la même incurie ;
Ce sont de délicats milords
Qui prennent des gants Dame, alors…
Adieu l’empreinte ! Adieu, Marie !
Ainsi donc, notre Bertillon
N’a pas même, en son corbillon,
Une fiche rudimentaire.
Cependant que les galions,
Les colliers de trois millions…
Se dissolvent dans le mystère.
De nos jours, pour n’en perdre rien,
Il faudrait poster tout son bien
Sur soi, comme le sage antique.
C’est facile pour le commun
Des martyrs dont moi, mais plus d’un
Ne trouverait pas ça pratique.
RAOUL PONCHON
Le Journal
25 août 1913
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire