11 juil. 2008

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On n’est pas mort, que diable !
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A Gueneau

Non, mon ami, la France
Quoiqu’un vain peuple pense
N’est pas encore en bas,
Non pas, non pas.

Sûr, on veut lui mettre?
C’est l’avis de Lemaître
Et dame, il s’y connaît
Bien plus qu’Ohnet.

C’est ton avis peut-être
Egalement, vieux prêtre ;
Et c’est aussi le mien.
Mais tu sais bien

Qu’elle en a vu d’autres
A l’époque où les nôtres
N’étaient pas nés, Guéneau,
Mon doux agneau.

Certes, elle est malade,
Elle est en marmelade ;
Mais voilà bien longtemps,
Bien des printemps

Que cela dure ; avoue
Que la pauvre on la voue
Aux riches et huguenots
Dieux infernaux.



Qu’on la dit condamnée
Et mille fois damnée ;
Que déjà les vautours
Dansent autour…

Pourtant, par la Madone !
Je crois bien qu’elle donne
Encore de la voix
Comme un putois.

Et que dans la musique
Dont l’Europe se pique
La chère peut encor
Sonner du cor.

Ce qui m’extraordine,
Vois-tu, de la mâtine,
Dont je suis effaré,
C’est que malgré

Toutes les médecines,
Les drogues assassines
De tous les médecins,
Sérums, vaccins ;

Les pilules dorées,
Les couleuvres carrées
Qu’elle dut avaler
Sans sourciller ;

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Et tous les cataplasmes,
Et tous les sinapismes
Qu’on lui cataplasma,
Sinapisma,

Malgré tous les dentistes,
Tous les spécialistes ;
Chirurgiens douteux,
Les rebouteux ;

Malgré toutes les purges,
Les lavements qui urgent
Et les bouillons pointus
Les plus têtus ;

Et les phélobotomies…
Cvariotomies
Qu’elle dut consentir
De quoi partir

Cent fois dans l’autre monde,
Dans la nuit sans seconde ;
Bref, malgré des trépans
De trois arpents…

Ce qui m’étonne - dis-je -
Et me semble un prodige,
C’est qu’elle vive encor,
Ça, c’est trop fort.

Faut-il que cette môme
Que déjà l’on embaume
En ait, en vérité,
Une santé !
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RAOUL PONCHON
Le Courrier Français
27 nov. 1898

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