11 juil. 2008

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Les huit petites Anglaises
du Concert des Ambassadeurs
A Jules Roques et Hugues Delorme
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Mes amis, voyez ma bévue :
J’ai passé dans votre Revue
Un des clous dont elle est pourvue


Si - je dois dire - abondamment,
Et non des moindres sûrement,
Voire - qui sait ? - le plus charmant.

Ah ! Ces huit petites Anglaises !
On les dirait en terre glaise,
Si vous voulez en terre anglaise.


On les pétrirait, en effet,
Si ça n’était pas déjà fait
Par le Dieu de Cham et Japhet, *

Tant elles sont souples et souples !
Laquelle de ces quatre couples,
Dites, messieurs . Est la plus souple


Aucune. Aussi vrai que je vis.
Et tous les spectateurs ravis
Sont justement du même avis.

Nulle ne l’emporte sur l’autre.
C’est mon avis. Est-ce le vôtre ?
Auquel cas, ce serait le nôtre.



Chacune a sa propre beauté
Comme sa personnalité,
Mais elle la met de côté.

Et chacune fond son génie
Dans une commune harmonie.
Et c’est d’une joie infinie,

De voir ce ballet si coquet,
De huit fleurs d’un même bouquet ;
On y laisserait ses quinquets.

Sur un seul point je vous dispute :
Pourquoi à certaine minute
Leur faire jouer de la flûte ?

D’abord - au surplus on s’en fout -
Elles ne savent pas du tout.
Elles ignorent le bon bout.

Est-ce la mode d’Angleterre ?…
Alors, c’est bien élémentaire.
Et le serait même à Nanterre.

Mais quoi ! Le moindre parpaillot,
M’est avis, doit priser très haut
Ce qu’elles jouent dans… leur maillot.


Elles sont d’ailleurs fort bien faites,
Dignes de la Revue en Fêtes
Dont vous êtes les deux poètes.


Ce sont de petits Tanagras *
Ni trop maigres, non plus trop gras,
- On en tiendrait deux dans ses bras -

Qui sur des musiques baroques
Bons à faire danser des phoques,
Se trémoussent et se disloquent.

Ça n’est point le chahut massif :
C’est spirituel et lascif
Et risqué sans rien d’excessif.

Enfin c’est une danse… immense
Qui s’arrête juste où commence,
Pour ainsi dire, la démence !


Je crois de même, ou je m’abuse,
Que chacune d’elles s’amuse
Pour son propre compte, sans ruse.

Et voilà ce qui plait si fort.
Celui qui s’amuse d’abord,
Nous fait partager son transport.
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RAOUL PONCHON
Le Courrier Français
28 août 1898
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