18 juil. 2008

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PANTOUM

Je dorlotais ma chimère,
L’autre jour, sous le ciel bleu,
J’ai vu passer le lord-maire :
Il allait d’un pas de Dieu,

L’autre jour, sous le ciel bleu,
L’automne était triste, triste.
Il allait d’un pas de Dieu,
Vêtu d’or et d’améthyste.


L’automne était triste, triste ;
Je m’y trouvais en prison
Vêtu d’or et d’améthyste,
Ce lord avait bien raison.

Je m’y trouvais en prison ;
Ayant l’âme toute grise.
Ce lord avait bien raison :
Il s’habillait à sa guise.

J’avais l’âme toute grise
Et me lamentais aussi
Il s’habillait à sa guise
Mais me déplaisait ainsi.

Je me lamentais aussi
A voir défleurir la terre.
Il me déplaisait ainsi,
Comme tous ceux d’Angleterre.

A voir défleurir la terre,
On sent son cœur défleurir.
Comme tous ceux d’Angleterre
Il était pour m’ahurir.
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On sent son cœur défleurir
A ce moment de l’année.
Il était pour m’ahurir
Sous sa robe surannée.

A ce moment de l’année,
De son ciel on est jaloux.
Sous sa robe surannée,
Qu’est-ce qu’il faisait chez nous ?

De son ciel on est jaloux.
On voudrait fuir tout contraste.
Qu’est-ce qu’il faisait chez nous,
Avec sa suite et son faste ?

On voudrait fuir tout contraste,
Toute farce, tout bagout,
Avec sa suite et son faste,
Ah ! quelle faute de goût !

Toute farce, tout bagout,
Tel est le Salon d’Automne.
Ah ! quelle faute de goût !
A Paris, elle détonne.

Tel est le Salon d’Automne,
On ne sait où l’on en est.
Le manque de goût détonne,
A Paris, on la connaît !


On ne sait où l’on en est
Quand on voit ce salon ladre.
A Paris on la connaît :
Il n’était pas dans son cadre.

Quand on voit ce salon ladre,
Ça vous donne mal au cœur.
Il n’était pas dans son cadre,
Bien qu’il eut l’air d’un vainqueur.

Ça vous donne mal au cœur
Ce bleu fou, ce criard rouge.
Il avait l’air d’un vainqueur
De Montmartre et de Montrouge.

Ce bleu fou, ce criard rouge,
Ah ! délivrez-m’en Seigneur !
De Montmartre et de Montrouge.
On venait voir son Honneur !

Ah ! délivrez-m’en seigneur !
- Disais-je de ce lord-maire -
De l’honneur de son Honneur
En caressant la chimère.



RAOUL PONCHON
le Courrier Français
04 oct. 1906

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