16 juil. 2008

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La Débâcle
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On peut tout faire avec des baïonnettes, excepté s’asseoir dessus.
(PRINCE DE SCHARZEUBERG)
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Voici déjà pas mal de temps
Que ces fleurs de gâtisme
Qu’on nomme nos représentants
Mais par pur euphémisme
Veulent un complot,
Qui ferait leur blot
Pour sauver la patrie !
Mais faut des papiers,
Et n’y a pas de papiers
Même à l’imprimerie.

« N’y a pas d’papiers, dit Panama,
Eh bien, qu’on en fabrique :
Les faux quel que soit leur format
Sont de la politique.
- Parbleu, dit Mill’rand,
Dès que je fus grand
C’était là ma devise.
Et moi, dit l’marquis,
Je pensai ce cri
Dès ma prime chemise. »

Certes, il faudrait moins de temps
Pour trouver chez ces zèbres
Quelques papiers compromettants,
Quelques dossiers funèbres.
On n’a qu’à s’baisser
Pour en ramasser.
Mis tous ces alarmistes,
Comme un seul voleur,
S’écrient : Au voleur !
Pour détourner la piste.


« A mort ! à mort ! les dictateurs. »
Reprend en chœur la Chambre.
« Pourquoi des rois, des empereurs ?
Dit le plus triste membre.
Il faut les honnir.
Vons-nous revenir
Aux erreurs de naguère ?
A bas les braillards,
Les patriotards !
Ou sans ça c’est la guerre. »

Crétins, croyez-vous égorger
L’opinion publique
Qui sait fort bien qu’aucun danger
Ne court la République.
Messieurs du pouvoir,
Vous devez savoir
Que nul ne veut la guerre
Tout en trouvant bon
Qu’à l’occasion
On soit prêt à la faire.

Allez, faux républicains
A vingt-cinq francs par tête,
La France connaît ses coquins ;
Elle n’est pas si bête.
Pendant cet été,
Braves députés,
Léchez l’assiette au beurre
Et puis, n, i, ni,
Ce sera fini.
J’entends sonner votre heure.


Car vous ne pouvez pas durer
Ainsi, longtemps encore ;
Espérons-le, faut l’espérer.
Voici venir l’aurore
Du grand jour nouveau
Et du renouveau
Ou, tant pis pour la casse,
La Révolution
Par la Nation
Sera votée en masse.

Mais, pourquoi ces républicains
Avant ce dernier acte,
Ces militaires, ces pékins
Signèrent-ils un pacte ?
Il n’est pas besoin
D’en chercher bien loin,
Ni de Paris au Havre,
La bonne raison :
Parbleu ! c’est qu’ils ont
Entr’eux plus d’un cadavre.

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RAOUL PONCHON
Le Courrier Français
16 juillet 1899


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