15 juil. 2008

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BEAUTE, TU N’ES QU’UN MOT !
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Chaque femme a sa beauté propre.


Je ne sais qui, de retour de Londres,
A quelque un qui l’interrogeait
Sur les Anglaises, de répondre :
« Peuh !… il y a bien du déchet. »

Il en parle bien à son aise.
Je vous jure que je sais, pour
Mon humble part, telle Anglaise
Aussi belle comme le jour.

Une jeune miss fraîche et rose
A le talent de m’émouvoir.
En beauté comme en toute chose,
Chacun sa manière de voir.

La beauté n’a pas d’absolue,
Elle n’existe pas en soi.
Telle mignonne est ton élue,
Qui ne me dira rien, à moi.

Puis, une femme est toujours belle,
Avec ou sans le type anglais,
Quand on a de l’amour pour elle.
Je te trouve belle, tu l’es !

Vous pensez bien qu’une négresse
Affreuse, aux yeux de son négro,
Sera cent fois plus charmeresse
Que la sémillante Otéro.


La Hottentote fait la pige,
Si l’on en croit le Hottentot,
A toute Vénus callipyge.
Il te le prouvera tantôt.

D’ailleurs, que de plus forts en glosent
Des goûts… des couleurs… Cependant,
On voit des beautés qui s’imposent
A la foule. C’est évident.

Et pour n’en citer qu’une seule,
Voyez madame Récamier ;
Ses contemporains, pour sa… fiole,
Roucoulaient comme un seul ramier.

Quand elle entrait dans un théâtre
En péplum blanc et sans corset,
Aussitôt la foule idolâtre
A tout rompre l’applaudissait.

Allait-elle à quelque assemblée ?
La séance on l’interrompait.
Et, conquis par elle d’emblée,
Chaque membre alors se levait.

Il faut croire que cette femme
Répondait à cet idéal
Que tout homme porte en son âme,
Et dont il est l’obscur féal.


Oui, mais voilà… Quelle misère !
Il n’est pas que des Récamier,
De plus, ça n’est pas nécessaire.
A quoi bon que vous réclamiez ?

Femmes, ne vous souciez mie
De ce plus ou moins d’unité
Qui pare votre académie,
Si votre âme est belle, à côté…

De même, un visage peut plaire,
Encore qu’il soit sans beauté,
Par je sais quoi qui l’éclaire,
L’esprit… si l’on veut, la bonté…


RAOUL PONCHON
Le Journal
06 juillet 1908


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