15 juin 2008

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" LA BOMBARDE "
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Sortie de "la Bombarde" de Jean Richepin
recueil de contes à chanter
dédié à son ami Ponchon
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En cette savante escrime
De la Rime,
O Richop ! maître prévôt
De notre maison Fasquelle
Sur laquelle
Aucune autre prévaut ;

Parbleu ! le diable t’emporte,
Te colporte !
Je suis comme par hasard
Loin de tes urbes, tes turbes,
Tes Iturbes
Et autres rois de bazar,

Dans un patelin de vignes
Tortilignes
Dit Boiras-tu-tu-Boiras
A chauffer mes deux… jumelles
Pêle-mêle
Avec des phylloxéras ;

C’est te dire si m’est dure
La lecture
Ainsi que toute action ;
Si, sous le soleil qui darde
Je m’attarde
A des spéculations.


Or, voici que vient ton livre
Me poursuivre
Jusqu’en ces retranchements !
Pour qu’il puisse me distraire,
Mon vieux frère,
Faut qu’il soit de toi, vraiment.

J’ai donc lu d’un trait, bon barde,
Ta Bombarde
Et j’en demeure ébaudi.
Elle dilate ma rate,
Elle éclate
Comme un soleil de midi.

Ta muse ardente et hardie
Répudie
Tous les antiques poncifs,
Toutes les géométriques
Thétriques,
Tous les instituts poussifs.

Dédaigneux des foules vives
Et serviles
Qui vivent dans un étui,
Ici, tu ne t’accommodes
De nos modes
Littéraires d’aujourd’hui.

Ta langue est drue et superbe,
Et ton verbe
Est libre, de franc alleu ;
Rabelais s’écrierait : Mince !
Et le prince
François Villon : Nom de Dieu !


C’est la muse populaire
Riche et claire
Et qui n’a jamais faibli ;
C’est l’alouette gauloise
Et narquoise
Qui chante son tirelire

Tu mêles dans ta satire
Pleurs et rire,
La vie et la mort. Tu dis
Nos rêves et nos chimères
Ephémères
Comme aussi nos paradis.

Tu nous dis toute la farce
De la garce
Appelée Humanité.
Et tu dégonfles ces outres,
Ces Jean-foutres
Qui font la royauté.

Tu gardes toute ton âme
Pour la femme
Et l’enfant. Tu compatis
Aux éternelles misères
Nécessaires
Hélas ! des gueux, des petits.


Ton vers de bonne aventure
Nous sature ;
Tu nous conduis à travers
Mille sabbats et féeries ;
Tu nous cries :
Regardez, les yeux ouverts.


Enfin, ton livre me botte,
M’enribote,
Il est à mon humble avis
De ton encre la meilleure,
Et ton heure
Fut bonne où tu l’écrivis.


De plus, il est une chose
- Et pour cause -
Qui me touche, sacredié !
Plus que je ne saurais dire
Sur ma lyre :
Me l’as-tu pas dédié ?


RAOUL PONCHON

Le Courrier Français
30 juil. 1899

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