24 mai 2008

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Des mots, des mots...

Dire que l’on pourrait vivre cent ans avec une femme sans lui faire entendre raison.
J’ai entendu, voilà quarante sept ans, une discussion - qui dure encore du reste - entre MONSIEUR et MADAME, et dont voici un échantillon :
MADAME. - Oh ! Le bel arbre ! On dirait un parapluie.
MONSIEUR. - Mais, ma chère, c’est le cèdre du Liban.
MADAME. - Un zèbre ! Quel zèbre ?
MONSIEUR. - Le Cèdre, celui qui a été rapporté par M. de Jussieu dans un chapeau.
MADAME. - Comment, dans un chapeau ? Dans un bateau, tu veux dire ?
MONSIEUR. - Non. Je dis bien : dans un chapeau.
MADAME. - Tu vas me faire avaler que l’on a rapporté cet arbre dans un chapeau ?
MONSIEUR. - Mais, ma chère, puisque je te le dis. C’est que j’en suis sûr. Je n’ai aucun intérêt à te tromper. Je ne dis pas que cet arbre a été rapporté tel que tu le vois là, bien sûr. Il était plus petit, ça va sans dire… Il était même à l’état embryonnaire…
MADAME. - Embryonnaire ou non, jamais un arbre quel qu’il soit n’a pu tenir dans un chapeau, tu m’entends ?…
MONSIEUR. - Comme tu voudras…
MADAME. - Tu me crois donc bête ?
MONSIEUR. - Non… mais…
MADAME. - Mais quoi ?
MONSIEUR. - Si tu voulais m’écouter une seconde, entêtée que tu es, tu te rendrais compte…
MADAME. - Non… vraiment… c’est trop fort… vouloir faire croire à la mère de tes enfants qu’un arbre peut tenir dans un chapeau…
Etc., etc., etc.

Je vous ai dit que ça durait encore : il y a quarante sept ans de cela.

RAOUL PONCHONLe Courrier Français
14 juin 1891

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