5 mai 2008

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LE VIN DU PRESIDENT
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Or donc notre gros Président *
Qui, pendant son voyage,
Fondit comme un bonbon fondant,
Rapport au surmenage,


En arrivant au Loupillon,
Reposer, on veut croire,
Loin du monde et son tourbillon
Sa verve… obligatoire :

- Enfin seul ! dit-il, nom de Dieu !
Vrai, j’étais à la côte ! » -
Il se rompit le pauvre vieux.
Il comptait sans ses hôtes.


Il dut constater, ébahi,
Que ceux du reportage
Avaient déjà plus qu’envahi
Son petit ermitage.

Voir ce bon gros Sancho Pança
En proie au protocole,
Vous avouerez c’est toujours à
Peu près même bricole…

Tandis que le voir réjoui
Au milieu de ses lares,
Et tâcher d’entendre de lui
Quelques propos hilares…



Voilà ! « Ah ! messieurs, leur dit-il,
Votre zèle m’assomme.
Ne jouons pas au plus subtil,
Je ne suis pas votre homme.

« Mais enfin, puisque vous voici,
Que je n’y puis rien faire,
Soyez les bienvenus-ici,
Sous le toit de mes pères.

« Croyez que mon humble maison
Vous est hospitalière.
Holà ! Toinette, et vous, Lison,
Venez là, les rosières.

« Prenez chacune un lumignon
Et courez à la cave
Chercher de mon vieux Loupillon
Qui n’est pas jus de rave.


« Vous allez vous torcher le bec
D’un vin que je récolte,
Et dont certains parlent avec
Un peu de désinvolte.

« Mon Dieu, Messieurs, croyez-le bien,
Ce n’est pas un délice ;
Après tout, il ne casse rien.
Il se boit, il se pisse.



« Il ne peut guère vieillarder,
Il se fane assez vite.
Il faut le boire sans tarder,
Tandis qu’un Dieu l’habite.


« Mes enfants, à votre santé,
A votre réussite !
Croyez que je suis enchanté
De la vôtre visite.


« Allons, buvez en m’attendant.
Moi, je vais voir ma vigne ;
Ici, fait votre Président
Place au vigneron digne.



RAOUL PONCHON
Le Courrier Français
30 sept. 1906

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