1 mai 2008

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X ...
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A mon avocat, maître Lagasse


Sur cette fameuse liste
Dite liste panamiste
Figure un dénommé X…
Et voilà que le monde
On se demande à la ronde
Quel peut bien être cet X ?


L’un prétend que, sous ces voiles,
Se cacherait Trois-étoiles,
A moins que X soit Y grec.
Et l’autre, à son tour suppose,
Que c’est
Machin ou bien Chose,
Si ce n’est tout autre mec.


Celui-ci, dans son délire,
Dit que Floquet il faut lire
Et celui-là Clémenceau .
Pour penser que tels hommes
Ont touché de fortes sommes
Il faut être vraiment sot.


Il parait qu’un Suisse pâle
Aurait même dit à Bâle
Qu’X… était monsieur Carnot.
Allons donc ! il est trop poire,
Et, pour moi, j’aime mieux croire
Que l’on lui
monte un canot.


Cela point ne lui ressemble,
Et, finalement, il semble
Que, pour dégager cet X…,
Il faudrait qu’Hypoténuse
Lui-même, si plein de ruse,
Revint tout exprès du Styx.

Non ? Laissez là cette enquête.
Cet X… qui tant vous embête
N’est ni Chose ni Machin ;
Comme aussi bien je redoute
De laisser planer le doute
Plus longtemps sur mon prochain,


Sachez que le vrai coupable,
Ce fameux X… introuvable,
C’est moi que vous voyez là.
Maintenant je vous écoute :
Vous voulez savoir sans doute
Comment j’ai touché ? Voilà :

Quelqu’un est venu me dire :
« Si tu voulais sur ta lyre
Célébrer le Panama,
Je te donnerais un chèque
Négociable à la Mecque
Chez un banquier de Lima. »


Qu’eussiez-vous fait à ma place ?
Je vous le demande en grâce.
J’acceptai, quoi, voilà tout ;
Et pendant vingt jours, sans boire,
Je fis retentir ta gloire,
O Panama, tout partout !


C’est ainsi, je le confesse,
Que je passai à la caisse
Et que, dans mon nonchaloir,
Tel le premier venu homme,
J’ai palpé la forte somme.
Or, vous voudriez savoir


S’il se peut que je la rende.
Mon embarras serait grande,
J’en serais bien empêché :
En des commerces infâmes
Ayant bu avec des femmes
Tout cet or que j’ai touché…



RAOUL PONCHON
le Courrier Français
19 mars 1893

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