4 avr. 2008

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Sarcey chez Novelli
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Comme la semaine dernière
Nous n’avons eu que huit premières
Et trois reprises à Paris,
De mon temps ne sachant que faire
Ma foi, que voulez-vous ? J’ai pris
Ma valise et le premier train
Qui devait me mettre à Turin.
Vous vous dites : quelle folie !
Et pourquoi faire en Italie ?
Oh ! Ça n’était pas, non vraiment,
Pour mon plaisir uniquement.
Moi, je fuis, on le sait de reste,
L’oisiveté comme la peste.
Je voulais simplement revoir
Novelli, voilà tout. Savoir
Quelle est au juste l’action
Qu’exerce ce comédien
Sur son public italien ;
Modifier mon opinion
S’il y avait lieu, sur son compte.
Peut-être fut-elle trop prompte
La première fois. Justement,
Notre acteur joue en ce moment
Le fameux Shylock de Shakespeare.
Ma fine, il pourrait jouer pire…


Nous l’avions déjà vu tous au
Théâtre de la Renaissance.
Il ne s’y montra pas trop sot,
Il joue avec assez d’aisance.
A dire vrai, chez nous, Français,
Il n’eut qu’un médiocre succès.
Sa manière est trop… fignolée,
C’est plutôt, toute blague à part,
Du joli art que du grand art.
Il grimace trop, se consume
En vains gestes… Je me résume,
En disant que Mounet-Sully
Vaut cent fois le sieur Novelli.



Pour être impérial, j’avoue
Qu’ici Novelli quand il joue
Plonge tous ces concitoyens
Dans un délire… italien.
Son jeu parait moins agité
Chez ce peuple de révoltés
Qui toujours crie et gesticule.
Bref il est de sa Péninsule…
Je me ferais un vrai scrupule
De ne le point constater.



;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;Dame,
Je vous dirai que quant au drame
Lui-même, oncque ne le compris,
Pas plus à Turin qu’à Paris.
D’abord, comme on sait, j’ai l’esgourde
Un peu dure, si ce n’est sourde.
Puis, en fait de langue, je sais,
Mais c’est tout au plus, le français.
L4anglais fut toujours un mystère
Pour moi. Souvent en Angleterre
Je suivis monsieur Claréci
Et sa troupe de Molière ;
Eh bien, c’est à grande peine si
Je sais lire Deubliou-ci.
Quant au jargon italien,
Je l’ignore, vous pensez bien.
Ainsi le Marchand de Venise
Se refuse à mon analyse.
Mon Dieu, ce serait de l’anglais
Traduit seulement en français
Je vous raconterais la pièce,
O mes neveux et mes nièces !
Mais - c’est à n’y comprendre rien -
De l’anglais en italien !



RAOUL PONCHON
Le Courrier Français
05 fév. 1899

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